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Enquête Mâchurer: les trous de mémoire de Jean Charest |
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L’ex-premier ministre a fourni
des réponses incomplètes dans sa seule entrevue médiatique, le 21 janvier
2020, a propos de l’enquête Mâchurer
Allégations de pressions
répétées |
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L’énoncé
Jean Charest a minimisé les
pressions que Marc-André Bibeau aurait pu exercer auprès des firmes afin que
celles-ci financent le Parti libéral du Québec (PLQ). Il se référait aux
extraits d’un affidavit où un entrepreneur affirme s’être senti obligé de
donner au PLQ pour être dans les bonnes grâces du gouvernement.
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« Je n’en crois pas
un mot, pas un seul instant »-
Jean Charest |
Les derniers affidavits rendus
publics font pourtant référence à des allégations de trafic d’influence répétées touchant Marc-André Bibeau.
Luc Benoit, patron de Tecsult,
a affirmé que M. Bibeau lui a déjà communiqué des pointages d’appel d’offres
et lui a annoncé qu’il recevrait un contrat avant que ce soit officiel.
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Extrait d'affidavit: 149 Q :
Pourquoi le nom de Marc-André Bibeau apparaît dans cette section CHUM de votre
cahier ?
150 R : Parce que c’est à lui que je remettais l’argent pour le PLQ.
Il laissait l’impression qu’il avait de l’influence. Il nous a déjà
appelés une heure avant pour nous annoncer que nous avions remporté un contrat
et ainsi prétendre qu’il avait de l’influence et de l’importance au
gouvernement. Tous les argentiers des partis qui ont été au pouvoir ont
fait ça les premières années. |
Document #1113
231 Q : Pourriez-vous expliquer le document #1113 en lien avec une rencontre
avec M. Bibeau le 13 janvier 2005 au sujet du métro et de l’Autoroute 30?
233 R : C’est une rencontre que j’ai eue avec Marc-André Bibeau au Hilton à
Dorval pour discuter de ces deux sujets. Il m’a suggéré de faire traîner les négos le temps qu’il convainqu le ministre de changer de position
concernant le métro à Laval. Et il m’a expliqué la façon dont seraient
lancés les différents appels d’offres pour l’autoroute 30.
238 Q : Pourquoi rencontrer M
Bibeau pour ces projets ?
239 R : C’est ma porte d’entrée pour le gouvernement et il détient de
l’information concernant les projets gouvernementaux.
Claudio Vissa, de RSW, a
affirmé que M. Bibeau se vantait de pouvoir influencer l’octroi de contrats
chez Hydro-Québec.
31 ....Moment, Marc-André
Bibeau nous a dit qu’on fournissait moins d’argent que les autres firmes
d’ingénierie et nous a dit qu’il pouvait (que RSW ait moins de contrats)
influencer les contrats chez Hydro-Québec. Je me souviens que…
Georges Dick, aussi de RSW, en
a rajouté en alléguant même que Marc Bibeau faisait un lien entre le
financement et les contrats.
42 …….Lévesque à Montréal.
Tout d’abord, M. Bibeau s’est présenté comme étant responsable du
financement du PLQ depuis l’arrivée de Jean Charest. |
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Il nous a alors dit
qu’il ne connaissait pas RSW et qu’il nous avait jamais rencontré ni
sollicité. Il réalisait que RSW avait beaucoup de contrats chez
Hydro-Québec. Il a aussi mentionné par contre que d’autres firmes avaient
déjà contribué au parti et qu'elles se eux se montraient intéressées aux contrats
donnés par Hydro-Québec et que lorsque le PLQ sera au pouvoir, il serait en
mesure d’influencer l’octroi de contrats à Hydro-Québec.
Il nous demandait
de financer à la caisse du parti au même titre que les autres firmes. Sans
mentionner le nom des autres firmes, il a dit qu’elles contribuaient à la
hauteur d’entre 60 000 et 80 000$ par année. Je lui ai alors expliqué que
nos actionnaires contribuaient au PLQ via les comtés et autres événements
organisés par le parti. M Bibeau m’a donc dit que ce type de contribution-là
ne comptait pas pour lui et qu’il faudrait lui remettre des chèques
directement à lui. Lors de la…..
Pas besoin d’un retour d’ascenseur
pour être accusé |
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L’énoncé
Jean Charest s’est appuyé sur
la dissidence du commissaire
Renaud Lachance, au terme de la commission
Charbonneau, pour affirmer que rien ne prouve que des contrats publics ont
été obtenus en échange de contributions politiques.
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« Il n’y a aucune
instance où les contributions sont reliées aux contrats. Renaud Lachance
l’écrit noir sur blanc. » -
Jean Charest |
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Le travail de l’UPAC dans Mâchurer n’est pas nécessairement de trouver des
preuves concrètes que des contrats publics ont bel et bien été donnés en
échange de contributions au PLQ.
Dans ses affidavits, l’UPAC
affirme avoir des motifs raisonnables de croire que des infractions au Code
criminel auraient été commises.
Elle se réfère entre autres à
l’article 121 (1) du Code, qui prévoit que quiconque prétend avoir de
l’influence auprès du gouvernement peut être accusé de fraude envers le
gouvernement. |
La Cour suprême a d’ailleurs
rappelé en 2018 qu’il « n’est pas nécessaire que l’accusé ait réellement de
l’influence auprès du gouvernement, qu’il entreprenne des démarches pour
user de son influence ou qu’il réussisse à influencer le gouvernement pour
être reconnu coupable de cette infraction ».
Le Code criminel précise
qu’une personne commet une fraude envers le gouvernement quand elle obtient
« une récompense, un avantage ou un bénéfice de quelque nature en
contrepartie d’une collaboration, d’une aide, d’un exercice d’influence
».
Dans le cas de Mâchurer, les
dons politiques pourraient être considérés comme un avantage, selon les
prétentions policières.
Les policiers soupçonnent
également qu’il aurait pu y avoir de l’abus de confiance au PLQ,
c’est-à-dire qu’un élu ou un fonctionnaire aurait utilisé ses fonctions à
d’autres fins que dans l’intérêt public. Là encore, il n’est pas nécessaire
d’avoir reçu un avantage ou une contrepartie financière pour être accusé
d’abus de confiance.
Non, la Commission n’avait pas
tout révélé |
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L’énoncé
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« Ce qui a été rendu public la
semaine dernière, tout ça avait été rendu public devant la commission
Charbonneau. Tout ça avait déjà été dit. »
- Jean Charest |
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Le travail de l’UPAC dans Mâchurer n’est pas nécessairement de trouver des
preuves concrètes que des contrats publics ont bel et bien été donnés en
échange de contributions au PLQ.
Dans ses affidavits, l’UPAC
affirme avoir des motifs raisonnables de croire que des infractions au Code
criminel auraient été commises.
Elle se réfère entre autres à
l’article 121 (1) du Code, qui prévoit que quiconque prétend avoir de
l’influence auprès du gouvernement peut être accusé de fraude envers le
gouvernement. |
Les allégations
présentées par l’UPAC pour obtenir un mandat de perquisition, publiées
intégralement dans Le Journal la semaine dernière, révèlent de nombreux
éléments qui n’ont jamais été cités à la commission Charbonneau.
Entre autres :
À la demande de Marc Bibeau,
Lino Zambito aurait fait pression pour qu’une commission scolaire renouvelle
un bail dans un immeuble appartenant à M. Bibeau.
Selon Lino Zambito, M. Bibeau
affirmait participer au choix des ministres de Jean Charest.
Selon Luc Benoit, ex-président
de la firme Tecsult, M. Bibeau avait la prétention de pouvoir amener un
ministre à « changer de position concernant le métro de Laval ». Claudio Vissa, de la firme RSW,
corrobore le témoignage de son collègue George Dick, selon lequel Marc
Bibeau les a menacés de leur faire perdre des contrats chez Hydro-Québec si
leur firme n’augmentait pas son financement au PLQ.
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De plus, Robert Parent, Serge
Daigle, Paul Lafleur, Claudio Vissa, Pierre Pomerleau et Luc Benoit, tous
cités dans les documents de l’UPAC, n’ont pas témoigné en public à la
Commission.
Il discrédite une organisation
qu’il a lui-même créée |
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L’énoncé
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« Ai-je besoin de rappeler que
l’UPAC est sous enquête ? Que dans l’affaire Guy Ouellette, elle a écrit des
affidavits pour lesquels elle a été totalement discréditée ? Que le
directeur général de l’UPAC (Robert Lafrenière) a démissionné le jour de
l’élection [...] Alors, les allégations d’affidavit, vous n’allez pas me
blâmer si je prends ça avec un grain de sel. »
- Jean Charest |
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Jean Charest s’est attaqué à
la crédibilité de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et de son ancien
patron
Robert Lafrenière.
Jusqu’à ce jour, il avait
pourtant toujours défendu vigoureusement cette organisation, créée par son
gouvernement.
Lors d’un point de presse à
l’hôtel du Parlement le 30 septembre 2011, Jean Charest avait vanté le
travail de l’UPAC et de son directeur, lui aussi nommé par son
gouvernement. |
« J’ai confiance en l’UPAC,
j’ai confiance en M. Lafrenière qui est un homme d’expérience avec une
équipe nombreuse. Ils ont des ressources très importantes pour faire leur
travail [...] Rappelons-nous, on a fait souvent référence à l’opération
Carcajou qui visait les motards criminalisés. C’est un travail qui est
difficile, le niveau de difficulté est élevé, comme c’est le cas de l’UPAC. Et il faut donner la chance à ces gens-là de faire le travail, puis ils le
font », avait affirmé Jean Charest.
Plus tard dans le même point
de presse, l’ex-premier ministre ajoutait que ceux qui ont des informations
ont la responsabilité de les transmettre à l’UPAC. « À ceux qui ont le
devoir d’enquêter là-dessus pour qu’ils puissent agir. C’est ce que nous
voulons. Nous voulons que les gens agissent, et ça a été fait pour cette
raison-là. »
Les conditions de Nathalie
Normandeau |
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L’énoncé
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« On a offert de rencontrer les policiers, de collaborer avec les policiers de l’UPAC, mais ils n’ont
pas répondu à cet appel-là [...] Ça, ce sont les mêmes policiers qui n’ont
pas rencontré
Nathalie Normandeau, qui est une autre affaire de l’UPAC qui
est en train de s’écraser. »
- Jean Charest |
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Il est vrai que les policiers
n’ont pas rencontré Nathalie Normandeau avant son arrestation, mais ils
voulaient le faire.
La preuve consultée dans la
rédaction de l’ouvrage PLQ inc., de notre Bureau d’enquête, démontre que le
28 mars 2014, Nathalie Normandeau a insisté auprès du lieutenant Benoît
Pinet pour que son avocat assiste à la rencontre avec les policiers.
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Il y avait un malaise, selon
les notes policières. S’il n’y a pas d’avocat, il n’y a pas de rencontre,
aurait souligné Mme Normandeau.
Or, il est rare que la police
rencontre des témoins avec leur avocat en cours d’enquête. La rencontre n’a
donc pas eu lieu.
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Marc-André Bibeau, ami de Jean Charest
000
et copropriétaires des Centres d'achat Beauward et de
Schokbeton |
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C’est son ami qui a ralenti
l’enquête |
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L’énoncé
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« Qu’est-ce qui empêchait
l’UPAC de porter des accusations après six ans ? Il n’y a rien, il n’y a
absolument rien qui les empêchait de déposer des accusations. »
- Jean Charest |
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Premièrement, ce n’est pas
l’UPAC qui peut déposer des accusations criminelles, mais les avocats du
Directeur des poursuites criminelles et pénales
(DPCP).
Les policiers
amassent la preuve et la remettent aux avocats, qui décident ou non de
porter des accusations. |
Deuxièmement, avant de
s’adresser au DPCP, les policiers s’assurent d’avoir amassé le maximum de
preuves. Or, une partie de la preuve a été gardée hors de portée des
policiers pendant des années par le bon ami de Jean Charest, Marc Bibeau.
En effet, l’ex-argentier
libéral a contesté jusqu’en Cour suprême la validité des mandats de
perquisition qui ont permis aux policiers de saisir des documents dans les
locaux de son entreprise en 2013 et en 2016.
Il invoquait entre autres le
privilège avocat-client, dans les échanges qu’il a eus avec deux de ses
employés, une avocate et une notaire. Ces communications sont protégées sauf
dans des circonstances très précises.
La
Cour suprême a refusé de
l’entendre sur ce point, mais ces démarches ont retardé l’enquête. Les
policiers n’ont pu commencer à consulter la preuve saisie en 2013 que quatre
ans plus tard, en 2017.
De plus, selon nos
informations, les policiers n’ont pas encore pu voir, à ce jour, toute la
preuve saisie en 2013. Chaque fois que les policiers veulent avoir accès à
une partie des informations saisies, un arbitre s’assure que le matériel
n’est pas couvert par le privilège avocat-client.
Tout cela empêche les
policiers de conclure rapidement leur enquête.
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Le 17 janvier 1970,
Robert Bourassa est élu chef du Parti Libéral du
Québec (PLQ) |
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Moins d’argent que Bourassa ? |
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L’énoncé
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« Dans la période où j’ai été
chef du Parti libéral du Québec, en passant, il y a une légende urbaine qui
veut que nous, on faisait plus de financement que jamais auparavant, alors
que c’est faux. Il y avait plus de financement à l’époque de M. Bourassa
qu’il y en avait à l’époque où j’étais chef du Parti libéral du Québec. »
- Jean Charest |
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Si on tient compte de
l’inflation, Jean Charest n’a pas tort. Nous avons compilé le financement
déclaré par le PLQ dans les rapports du Directeur général des élections
depuis 1984. En reportant les montants en dollars de 2019, le PLQ sous
Robert Bourassa amassait 8,9 M$ en moyenne par année. Sous M. Charest,
c’était 7,9 M$. |
Toutefois, si on fait
l’exercice sans tenir compte de l’inflation, la donne change. Bourassa
amassait environ 4,9 M$ par année en dollars de l’époque.
Mais il y a plus: puisque le
montant maximal de dons de 3 000 $ par personne n’a pas changé entre la fin
des années 1970 et 2011, Jean Charest et ses troupes ont donc dû travailler
presque deux fois plus fort que Robert Bourassa pour amasser leur trésor de
guerre.
Les autres le faisaient aussi |
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L’énoncé
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« On le faisait (du
financement sectoriel) [...] et les autres partis politiques faisaient de
même ! »
- Jean Charest |
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C’est vrai : le Parti
québécois aussi avait une équipe de financement « en milieu de vie », qui
ciblait les entreprises, selon la commission Charbonneau.
Ce que Jean Charest omet de
dire, c’est que sous sa férule, le Parti libéral du Québec est devenu le
champion toutes catégories de la sollicitation auprès des compagnies, que la
formation politique appelait « financement sectoriel ». Une pratique
généralisée, mais interdite. |
Dans son rapport final, la
commission Charbonneau mentionne que « la plus grosse part » des
contributions des dirigeants d’entreprise « était destinée au parti à la
tête du gouvernement ».
Une compilation des dons aux
partis qu’a réalisée la Commission démontre d’ailleurs que le PLQ tenait le
haut du pavé en matière de financement dès 2001, soit deux ans avant que
Jean Charest ne prenne le pouvoir.
Autrement dit, sous la
gouverne de Jean Charest, le PLQ était devenu une meilleure machine à
collecter les dons que le
Parti québécois, qui tenait pourtant les rênes du pouvoir à l’époque. En complément:
Le financement «sectoriel (compagnies)» du Parti Libéral du Québec à
l'agenda de Jean Charest
Notes & Références encyclopédiques:
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Source: Agence de
presse QMI/Québecor Médias de
Québecor Inc. pour
Pierre Karl Péladeau |
Choix de photos, collection de textes, mise en page, références et titrage par :
JosPublic
Mise à jour le
16 février 2020 |
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