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La députée de la circonscription de Notre-Dame-de-Grâce soutient qu'il s'agit d'une erreur : « Je n'aurais jamais et je n'ai jamais agi comme prête-nom. » Un document confidentiel envoyé au Parti libéral du Canada en août 2016, obtenu par CBC/Radio-Canada, révèle les noms de plusieurs cadres de SNC-Lavalin, ainsi que de quelques conjointes, liés à un stratagème de contributions politiques illégales. Cette liste émane du Commissaire aux élections fédérales, le haut fonctionnaire chargé de veiller à l'observation de la Loi électorale du Canada, qui a fait enquête sur un système de prête-noms mis sur pied par la société d’ingénierie. L’enquête du commissaire révèle que sur une période de plus de cinq ans, soit de 2004 à 2009, 18 anciens employés de SNC-Lavalin et des conjointes ont versé près de 110 000 $ aux libéraux fédéraux incluant des contributions à quatre candidats à la course à la direction du Parti libéral du Canada et à quatre associations de circonscription au Québec.
Pas de pénalités pour SNC-Lavalin À l’issue de son enquête, le commissaire n’a porté aucune accusation contre SNC-Lavalin.
« Je n'ai jamais agi comme prête-nom » En août 2016, le Commissaire aux élections a divulgué au Parti libéral et au Parti conservateur les noms des employés et les montants en cause afin que les contributions illégitimes soient versées au trésor public. Les partis ont remboursé l'argent au receveur général du Canada. CBC/Radio-Canada a demandé aux deux partis de fournir les listes respectives d’employés de SNC-Lavalin qui avaient reçu des remboursements pour les contributions politiques. Le Parti conservateur a immédiatement fourni sa liste de noms. En revanche, le Parti libéral a refusé. La liste secrète envoyée au PLC, obtenue par Enquête et The Fifth Estate, contient les noms de plusieurs hauts dirigeants de SNC-Lavalin de l’époque et, dans certains cas, de leurs conjointes.
Lors d'un appel téléphonique avec CBC/Radio Canada, Mme Weil a nié qu’elle ou son mari aient été remboursés de quelque façon que ce soit. « Je n'aurais jamais et je n'ai jamais agi en tant que prête-nom », a-t-elle dit.
Le conjoint de l’ex-ministre, Michael Novak, a également fermement nié avoir reçu des bonis pour rembourser ses propres contributions politiques ou celles de sa conjointe. Dans la lettre envoyée au PLC, le Commissaire aux élections fédérales a déclaré que Michael Novak a fait trois dons pour lesquels il a été remboursé 5 672,91 $ au total par SNC-Lavalin en 2004 et 2008. Joint au téléphone, M. Novak dit avoir rencontré les enquêteurs du commissaire en 2014 et les avoir informés qu'ils s’étaient trompés. « Nous n'avons jamais été remboursés », déclare-t-il. M. Novak confirme avoir reçu de nombreux bonis de SNC-Lavalin au fil des ans, mais à sa connaissance, aucun n'était lié à ses dons politiques. Si les enquêteurs ont trouvé des preuves de remboursements de SNC-Lavalin sous forme de bonis, « tout cela a été fait à mon insu », dit-il. M. Novak confirme que SNC-Lavalin a activement encouragé les dirigeants de la firme d’ingénierie à faire des dons politiques et à amasser des chèques qui étaient ensuite remis au PLC. Mais il n'y avait « rien de fâcheux » à faire de tels dons, affirme-t-il. Il ajoute ne pas avoir été au courant de l’existence d'un plan de remboursement illégal avant d’entendre des rumeurs à cet effet en 2010. « Nous avons reçu des bonis » La plupart des hauts dirigeants dont les noms apparaissent sur la liste ont refusé d'être interviewés par CBC/Radio-Canada. Mais deux employés non cadres de SNC-Lavalin nous ont confié qu'on leur avait bel et bien indiqué que leurs dons politiques seraient remboursés sous forme de bonis. Contacté à sa résidence de Saint-Bruno, au Québec, l’ingénieur à la retraite Jean Lefebvre dit qu'on l’avait spécifiquement invité à faire des dons aux libéraux. « On me demandait de donner au Parti libéral particulièrement. C’était bien défini dans mon cas », explique-t-il. « Il y a un boni qui suivait et on était remboursé le double du montant qu’on donnait pour payer les impôts », a-t-il expliqué. SNC couvrait ainsi le montant d’impôt qu’il devait débourser en raison du revenu supplémentaire. Jean Lefebvre dit avoir assumé que les activités de financement politique avaient reçu l’aval des conseillers juridiques de l’entreprise. « Je dormais à l’aise avec ça et je me disais, coudonc, ça a dû être vérifié par notre juridique. » Le Commissaire aux élections a porté des accusations contre un seul haut dirigeant de l’entreprise. En mai 2018, Normand Morin, ancien vice-président de SNC, a été accusé d'avoir violé la Loi électorale du Canada en « agissant de connivence avec certains hauts dirigeants de SNC-Lavalin et en sollicitant des contributions au nom d’entités politiques fédérales ». Il a reçu une amende de 2000 $. Cette reconnaissance de culpabilité a permis d'éviter un procès qui aurait été susceptible d'exposer plus de détails au sujet du stratagème de SNC-Lavalin – y compris les noms des cadres et employés et des collecteurs de fonds des partis politiques. Dans une entrevue téléphonique, Normand Morin a déclaré qu'il ne savait pas pourquoi il était le seul qui a été tenu responsable. « C'est un mystère pour moi », a-t-il déclaré. Il a refusé de nommer ses contacts au Parti libéral fédéral. « Il y avait beaucoup de monde, a-t-il déclaré. Vous devriez orienter votre enquête vers les partis. »
« C’est une erreur » Selon les enquêteurs du Commissaire aux élections fédérales, Pierre Anctil, un ancien vice-président de SNC-Lavalin, a reçu 4 462,88 $ en remboursement pour une contribution au Parti libéral du Canada le 30 juin 2004. Joint à son domicile de Westmount, Pierre Anctil nie lui aussi avoir été remboursé par SNC-Lavalin pour cette contribution. Lorsque nous lui avons montré une copie de la lettre du Commissaire aux élections fédérales, M. Anctil a déclaré que son nom avait été inclus « par erreur » et qu'il n'avait reçu aucune compensation. « Ce n’est jamais arrivé. C’est faux. D’ailleurs, dans aucune circonstance quelqu’un ne m’a dit que j’avais été remboursé, ça a été vérifié. Je n’ai jamais été remboursé », a-t-il indiqué. Dans une déclaration sous serment déposée auprès de la commission Charbonneau en 2015, Pierre Anctil soutenait qu’il n’a jamais demandé un remboursement pour ses contributions politiques aux partis politiques provinciaux, mais qu’on l’avait mandaté d’être responsable « de la politique au Québec ». Il affirme qu’il avait d’abord refusé d’autoriser le paiement des bonis pour rembourser les employés faisant des dons aux partis politiques provinciaux et municipaux, mais que son patron, le président de SNC-Lavalin à l’époque, Jacques Lamarre, avait insisté. « Devant la position ferme de mon patron, j’ai renoncé à remettre en question la pratique établie », écrit-il. Il dit avoir mis en garde les cadres et employés qu’il sollicitait du risque qu’ils couraient tout en leur confirmant qu’un remboursement leur serait fourni sur demande. « J'ai même ajouté que la loi prévoyait qu'ils devaient donner à même leurs propres ressources et qu'ils étaient passibles d'une amende s'ils se faisaient rembourser. Je leur ai aussi indiqué que c'était leur décision, mais que la compagnie procéderait néanmoins à l'octroi d'un boni, s'ils le désiraient », dit-il. Joint au téléphone, l’ex-président Jacques Lamarre a nié toute responsabilité. Il maintient qu’aucun système de financement illégal n’a existé chez SNC-Lavalin, et dit que Pierre Anctil et le Commissaire aux élections se trompent.
Par téléphone, Mme Campbell a déclaré que Normand Morin avait « fait pression » sur elle-même et sur d’autres pour qu’elle fasse des dons aux partis politiques fédéraux et québécois. Toutefois, Mme Campbell dit avoir déclaré aux enquêteurs qu'elle n’avait reçu aucune indemnité de la part de SNC-Lavalin. Tous les anciens employés de SNC-Lavalin et les conjointes nommés dans la liste et interviewés par CBC/Radio-Canada ont déclaré n’avoir jamais été informés par le Commissaire aux élections fédérales que leurs noms seraient inscrits dans ce document. Entente concernant des infractions « mineures » L’avocat ontarien Jeff Ayotte estime que les Canadiens devraient être mieux informés des raisons qui ont mené le Commissaire à accorder un contrat d’entente sans pénalités à SNC-Lavalin plutôt que de procéder à des accusations. Ayotte a représenté l’ancien député conservateur Dean Del Mastro lors d’un procès concernant le financement de sa campagne électorale. Le cousin de Dean Del Mastro a été accusé d’avoir utilisé un système de prête-noms au sein de son entreprise afin de contribuer illégalement à sa campagne. « Étant donné les faits dans le cas de SNC-Lavalin, il semble que la firme a bénéficié d’un traitement fort différent que celui réservé à d’autres, dont les circonstances étaient semblables », soutient l'avocat.
Néanmoins, le commissaire a entièrement le pouvoir discrétionnaire de décider d’offrir un contrat d’entente ou de porter des accusations. Le commissaire aux élections fédérales, Yves Côté, a refusé d’accorder une entrevue. Sa porte-parole, Michelle Laliberté, dit que le commissaire « a mené une enquête approfondie en utilisant tous les outils disponibles ». Elle dit que les raisons qui ont poussé le commissaire à conclure une entente avec SNC-Lavalin sont indiquées publiquement sur son site Web. Par courriel, le porte-parole du Parti libéral du Canada, Braeden Caley, dit que le parti se « conforme pleinement à la Loi électorale du Canada et à tous les règlements d’Élections Canada en matière de collecte de fonds et de dons », et qu’il s’attend à ce que tous ceux qui font des dons au parti « respectent les règles ». Pour sa part, le porte-parole du Parti conservateur, Cory Hann, dit que son parti s'attend à ce que ceux qui versent des dons au Parti conservateur « le fassent honnêtement et conformément à la loi, conformément aux règles et règlements d'Élections Canada et à la Loi électorale ».
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