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La compagnie d'assurance Allstate se défend devant les tribunaux de vouloir faire taire une ancienne employée avec une poursuite de près d'un million de dollars pour avoir révélé à la Société CBC/Radio-Canada (CBC) de présumées pratiques discriminatoires basées sur l’ethnicité de ses clients à Brampton.
Dans des documents de cour, Allstate affirme que son ancienne gestionnaire s’est engagée dans une tentative sournoise de faire transférer l’un de ses employés dans un autre bureau régional. Des allégations que rejette Mme Joshi qui pense plutôt qu’on cherche à la punir pour avoir révélé les pratiques de l’entreprise. L’avocat rappelle que le secteur des assurances est une industrie strictement réglementée qui veille au grain dans la province. Il cite la Commission des services financiers de l’Ontario, qui interdit aux assureurs de refuser des clients potentiels sur la base de leur origine ethnique ou de leur code postal. Or, l’image de la compagnie est sans tache explique Me McAleese. Il rappelle que l’entreprise Allstate est inclusive et un employeur exemplaire dans le secteur privé.
Me McAleese argumente que la poursuite n’a pas besoin de faire mention d’une diffamation lorsque la réputation de son client a été entachée de la sorte. Il précise que l’entreprise n’a rien contre le fait que les médias rapportent des enjeux d’intérêt public, mais sans faire d’allusions fallacieuses liées à l’ethnicité des gens ou à de prétendus cas de fraude. Il demande donc à la juge de rejeter la requête de Mme Joshi visant à faire annuler la poursuite. Si vous intercédez en sa faveur, rien ne l'arrêtera de parler davantage aux médias en embellissant ses terribles allégations contre Allstate pour susciter de l'intérêt de façon trompeuse et enflammer le débat, conclut-il.
Medha Joshi était à l’emploi d’Allstate depuis 2012 mise à part une interruption de quelques mois en 2014 durant lesquels elle est allée vivre au Royaume-Uni. Avant son licenciement, elle occupait le poste de gestionnaire régionale de la compagnie à Milton dans la banlieue ouest de Toronto. Elle y supervisait notamment le travail d’une équipe des ventes. Mme Joshi dit avoir confronté ses supérieurs au sujet de cette présumée directive controversée afin d’avoir des explications, mais sans succès. Je n’arrivais pas à obtenir un rendez-vous, on ne me rappelait pas, je me suis sentie de plus en plus isolée, se souvient-elle. Au retour d’un congé de maladie, elle a finalement obtenu une rencontre en pensant qu’il s’agissait d’une entrevue de routine. C’est alors qu’elle a appris qu’elle avait été congédiée sans avertissement. Jamais je n’aurai cru que je serai pénalisée de la sorte, affirme-t-elle. Medha Joshi soutient que l'entreprise a demandé à son personnel de ne plus vendre d'assurance auto à Brampton, parce que la fraude y est plus fréquente qu'ailleurs dans la province. L'alertrice dit avoir agi par principe. Cette façon de faire est immorale, il n’y a pas d’autres mots pour l’expliquer, dit-elle au sujet d’une consigne d’Allstate de ne plus vendre d’assurance à des clients dont le code postal est celui de la municipalité de Brampton.
En réaction à son congédiement elle poursuit à son tour Allstate pour congédiement injustifié et violation du Code des droits de la personne de l’Ontario. C’est le 20 juin 2019 que la lanceuse d’alerte tentait devant la cour de faire annuler la poursuite de 700 000 $ plus les frais d'administration d'Allstate. La tactique de son avocat en cour supérieure à Toronto représente une contre-attaque, en attendant que la cause de sa cliente soit entendue à une date ultérieure. Nous allons tenter de convaincre les tribunaux que la poursuite d’Allstate est en réalité une poursuite stratégique contre la mobilisation publique [une poursuite-bâillon, NDLR] et qu’elle doit être annulée pour des motifs d’intérêt public selon lesquels toute personne a le devoir de révéler aux médias des actions anormales ou illégales dans leur milieu de travail, précise Me Monkhouse. Maître Monkhouse, souligne que sa cliente ne regrette pas d’avoir confessé ses doutes à la presse. Elle regrette davantage le comportement de ses supérieurs qui n’ont pas entamé un dialogue avec elle pour résoudre leurs différends au sujet de la directive en question, dit-il.
La défense de Mme Joshi affirme que la poursuite d’Allstate est en fait une poursuite bâillon qui vise à la punir et à la réduire au silence et argumente que l’assureur ne peut prouver de toute façon la nature des dommages qu’il évoque comme des baisses de revenus ou la perte de clients à Brampton. Il ajoute que l’intérêt public n’aurait pas été servi convenablement si sa cliente n’avait pas sonné l’alarme dans les médias. Il fait en outre valoir que la poursuite ne mentionne nulle part le mot diffamation, mais seulement l’expression faussetés malicieuses. En cas de victoire, Me Monkhouse pense que d’autres employés dans la société n’auront plus peur de perdre leur emploi s’ils dénoncent leur employeur sur la place publique pour des activités illégales dont ils seraient témoins au travail. Me Monkhouse prédit par ailleurs que la cause de sa cliente pourrait bien encourager certains résidants de Brampton à porter plainte contre Allstate pour discrimination et violation de leurs droits fondamentaux.
La Cour supérieure de l’Ontario rejette la poursuite pour diffamation intentée par la compagnie d’assurance Allstate Canada contre Medha Joshi. Mme Joshi soutient qu'elle a donc été renvoyée pour avoir dénoncé les pratiques prétendument discriminatoires de son ancien employeur. Sa poursuite ne pouvait toutefois aller de l'avant, puisque la compagnie Allstate avait déposé une contre-poursuite par la suite. La poursuite de Mme Joshi contre son ex-employeur était évaluée le 30 novembre à 600 000 $ , tandis que celle d'Allstate est estimée à 700 000 $ en plus des frais juridiques.
La magistrate affirme en outre qu'elle a été troublée par l'attitude de l'assureur qu'elle qualifie de cavalière dans cette affaire. Dans un communiqué, la défense de Mme Joshi se félicite du verdict, parce qu'il étend au secteur privé la protection des lanceurs d'alerte, notamment dans les cas de discrimination et de violation des droits de la personne. Cette décision montre que les compagnies privées ne peuvent intimider leurs anciens employés en les poursuivant devant les tribunaux lorsqu'ils dénoncent en public des pratiques répréhensibles, explique par ailleurs l'avocat Andrew Monkhouse. L'annulation de la contre-poursuite d'Allstate fait en sorte que la poursuite de Mme Joshi peut maintenant aller de l'avant. Me Monkhouse avait expliqué lors des audiences au printemps que cette contre-poursuite n'était qu'une manœuvre visant à réduire sa cliente au silence. Aucune date de procès contre l'assureur n'a toutefois encore été fixée.
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