Longtemps, Julian Assange n'a pas eu 
											d'heure. Depuis sa petite chambre 
											victorienne, située au sein de 
											l'ambassade d'Équateur à Londres, il 
											était tout simplement trop occupé :«
											Il me fallait diriger un parti en 
											Australie, protéger mes sources aux 
											États-Unis, faire face à ma demande 
											d'extradition en Suède, négocier 
											quotidiennement avec les 
											chancelleries latino-américaines...
											» 
											
											
											Encore aujourd'hui, le bureau 
											d'angle qui lui sert de terre 
											d'asile, à quelques pas du
											
											Harrods, est inondé 
											d'ordinateurs éventrés et de 
											téléphones cryptés. Alors qu'il nous 
											parle, de grandes fenêtres, à peine 
											recouvertes de rideaux de lin, 
											laissent passer un léger halo de 
											lumière. Elles découvrent 
											étrangement cet espace si secret où 
											se mêlent documents confidentiels, 
											dispositifs de protection et 
											affaires personnelles éparpillées.
											
											
											
											
											Ces grandes fenêtres, jamais 
											ouvertes, forment depuis deux ans la 
											frontière la plus tangible qui 
											sépare Julian Assange, 43 ans, du 
											reste du monde. Capitale noctambule 
											d'un siècle hanté par la solitude, 
											lieu d'errance pour milliardaires et 
											rescapés de guerres anonymes, 
											Londres a accueilli Assange il y a 
											quatre ans, l'enveloppant avec la 
											douceur d'une araignée sur sa toile. 
											Lui qui s'était toujours refusé à 
											vendre ses talents - on dit qu'il 
											est l'un des programmeurs les plus 
											doués de sa génération - s'est 
											subitement retrouvé prisonnier du 
											plus beau quartier de Londres, tel 
											un héros
											dostoïevskien rattrapé par 
											un monde devenu 
											balzacien.
											
											Ce 19 juin 
											2014, Julian Assange vient de fêter 
											ses deux ans d'enfermement à 
											l'ambassade. Deux ans pendant 
											lesquels sa peau n'a embrassé le 
											soleil que quinze minutes, lors 
											d'une brève escapade sur son balcon 
											en août 2012.
					
											
											
											Entre deux saillies contre 
											l'impérialisme américain et après 
											avoir appelé à la libération de ses 
											compagnons de disgrâce, il en avait 
											profité pour rendre un hommage 
											appuyé à des dissidents chinois 
											ainsi qu'aux 
											Pussy Riots, le 
											collectif féministe russe. 
											
											
											Face à 
											lui, une nuée de caméras et de 
											partisans enfiévrés buvaient ses 
											paroles et l'incitaient à tenir bon. 
											Mais derrière ce mirage attendaient 
											plus de 100 policiers, et un nombre 
											indéterminé d'agents secrets. Des 
											documents rendus publics ont révélé 
											depuis que les premiers avaient 
											ordre de détruire toute voiture, 
											fut-elle diplomatique, qui tenterait 
											de l'exfiltrer. Julian Assange était 
											donc resté au soleil quinze minutes 
											seulement, lisant un texte sans 
											trembler, mais probablement angoissé 
											à l'idée de se faire arrêter.
											
												
													
														| 
														 
											
											Depuis, Julian Assange a continué à 
											arpenter centimètre après centimètre 
											les quelques mètres qui lui ont été 
											laissés. Aujourd'hui encore, face à 
											la porte blindée qui protège le 
											petit appartement de l'ambassade, se 
											tient une femme joufflue et rose 
											portant chapeau, chemise blanche et 
											gilet pare-balles. Elle fait le 
											guet, salue avec désinvolture, nous 
											laisse passer.   | 
														
														 | 
													
												
											 
											
												
													
														| 
														 
											
											Au-dehors, deux autres bobbies 
											(policiers d'Angleterre) bavardent. 
											La mairie de Londres a déjà dépensé 
											10 millions d'euros pour assurer sa 
											surveillance. « Mais ils sont 
											aujourd'hui beaucoup moins 
											nombreux», précise Assange. 
											La pression de la société commence à 
											faire effet. » Beaucoup 
														moins nombreux, 
														c'est-à-dire 16 
														exactement, ce qui n'est 
														pas si peu. Au moindre 
														pas à l'extérieur de 
														l'ambassade, la machine 
														se mettra en branle.   | 
														
														 | 
													
												
												
												
												« D'abord, l'arrestation 
											et l'extradition immédiate vers la 
											Suède. Puis, dans la foulée, le 
											transfert aux États-Unis, où un 
											«grand jury» m'inculpera pour 
											espionnage. » Avec, peut-être, 
											la peine de mort à la clé. 
												
												Voilà qui 
											explique pourquoi il reste là.
 
											
												
													
														
														
															
																
																	| 
											 
											
											Des dents, des cheveux, des 
											secrets  | 
																 
															 
															
											
											Depuis qu'il a organisé la fuite de 
											la plus importante masse de 
											documents secrets de l'histoire, 
											plus de 200 000 télégrammes 
											diplomatiques américains, 250 
											employés du Pentagone travaillent à 
											sa perte et à celle de son 
											organisation.  
											 
											Tout autour de l'ambassade, les 
											services secrets des grandes 
											puissances ont installé des 
											dispositifs d'interception complexes 
											qui surveillent la moindre de ses 
											communications. Mais les radiations 
											ne semblent pas l'inquiéter.  
															 
															Après 
											nous avoir laissé entrer, il nous 
											propose et se sert généreusement un 
											gin rare, offert par un admirateur 
											anonyme. Il est 13 heures, et 
											l'homme en chaussettes et à la 
											chevelure blanche et fine dont le 
											visage est devenu une icône mondiale 
											s'enfonce silencieusement dans son 
											fauteuil en cuir rouge. 
														  
														 | 
														
														 | 
													
												
											 
											
												
													
														
														
															
																
																	| 
																	 | 
																 
																
																	| 
																	 
																	
																	Marche du Movimento 
											dos Trabalhadores Sem Terra du 
																	Brésil  | 
																 
															 
														 
														 | 
														
														 
														
											Nous le voyons là pour la deuxième 
											fois. Il vient de passer plusieurs 
											jours avec son équipe juridique à 
											coordonner le dépôt d'une plainte 
											sur sa situation auprès de l'ONU que 60 
											organisations citoyennes provenant 
											du monde entier ont soutenue. 
														 
											L'une d'entre elles (le 
														Movimento 
											dos Trabalhadores Sem Terra 
											brésilien) revendique à elle seule 
											plus d'un million d'adhérents.  
														 
											«Je suis fondamentalement 
											convaincu qu'Internet peut mettre fin à l'asymétrie de l'information 
											qu'ont imposée les puissants au reste 
											du monde.  
														
														
														C'est le sens de notre 
											combat. Un renversement des 
											transparences : ce n'est pas à 
											l'État de tout savoir de ses 
											citoyens, mais aux citoyens de tout 
											savoir de l'État.»  
														
														
														Limpide, en 
											deux phrases, Julian Assange vient 
											d'exposer les raisons de son combat.  | 
													
												
											 
											
											
											Il parle d'une voix basse, tempérée, 
											en ne détournant guère les yeux. Il 
											y a une sensibilité violente qui se 
											dégage de cet homme et qui tranche 
											avec l'image que l'on a bien voulu 
											en donner. Chaque mot, empesé, ne 
											semble dit qu'au prix d'un grand 
											effort. 
											
											
											L'attention - la tension - 
											est douloureuse, l'écoute 
											permanente.  On n'ose pas 
											l'interrompre, de peur de voir ce 
											maigre flux se tarir.  On se surprend 
											pourtant à le voir plus écouter que 
											parler. A l'entendre rire d'une 
											paranoïa qu'on lui aurait bien 
											volontiers prêtée.  Pourtant, quand 
											nous sortons pour la première fois 
											de sa petite chambre, après quatre 
											heures de discussions, une immense 
											angoisse nous étreint au contact de 
											l'air libre. 
											
											
											C'est donc ça la 
											claustrophobie.
											
											Sarah Harrison, son âme damnée qui 
											l'a accompagné pendant sa première 
											année de détention, n'était pas 
											présente ce jour-là.  En exil à 
											Berlin, l'une des premières à avoir 
											accompagné Julian Assange dans son 
											aventure est restée un pilier de 
											WikiLeaks. 
											
											
											
											De New York à Moscou, en passant par 
											Paris et 
											Quito, plus d'une trentaine 
											de personnes se sont jointes à elle 
											et sont désormais impliquées dans sa 
											défense. « Quotidiennement, des 
											proches se font arrêter, interroger 
											puis éventuellement relâcher », 
											admet-il. Certains ont trahi, 
											admettant après leur départ avoir 
											travaillé avec le 
											FBI.  Mais le temps a permis à Assange de 
											filtrer les arrivées, et il peut 
											aujourd'hui s'appuyer sur une équipe 
											solide et entièrement dévouée. 
											
											A 
											quelques mètres de son bureau, ses 
											principaux avocats discutent 
											bruyamment de la stratégie à suivre.
											Ils ne sont pas les seuls à 
											l'accompagner.  Aujourd'hui encore, 
											ses assistants ont trié plus d'une 
											centaine de lettres qui lui arrivent 
											du monde entier.  Certains jours, on 
											y trouve des dents.  Des cheveux.  Parfois des secrets.  Julian Assange n'en dira rien.  Mais 
											il garde les correspondances les 
											plus drôles dans une petite boîte 
											qu'il ouvre à l'occasion et nous les 
											montre bien volontiers.  Ces 
											frivolités, fruits d'une célébrité 
											inattendue, lui permettent de passer 
											le temps.
											
											
											La 
											Suède, où Julian Assange avait 
											tenté d'installer son organisation 
											avant d'y être accusé, est 
											entre-temps devenue l'une des 
											principales cibles de WikiLeaks.  Elle est la clé du dispositif qui le 
											tient aujourd'hui enfermé. 
											
											
											
											Deux femmes lui reprochent d'y avoir 
											eu des relations sexuelles 
											consenties, mais non protégées.  Elles n'avaient tout d'abord pas 
											envisagé de porter plainte.  Pourtant, quatre jours avant la 
											divulgation des télégrammes 
											diplomatiques américains, un 
											procureur cherchant à se faire 
											réélire dans une ville où 
											Julian Assange n'avait jamais mis 
											les pieds transmet une demande 
											d'extradition au Royaume-Uni. 
											
											
											Une 
											procédure exceptionnelle et utilisée 
											pour la première fois en ce qui 
											concerne une affaire de moeurs. « Je 
											me suis rendu en Suède afin de 
											répondre aux questions des 
											procureurs, qui ont refusé de 
											m'interroger. Je ne cesse de leur 
											renouveler ma proposition depuis, 
											mais n'ai jamais reçu de réponse. 
											»
										
											
												| 
												« | 
												
												 
												
												 "Nous 
												ne sommes qu'au tout début d'une 
												nouvelle ère démocratique" 
                                                                                           
												
												  
												- Julian Assange  | 
												
												» | 
											
										
											
											
											Paralyser l'icone de 
											l'anti-impérialisme
											
												
													
														| 
														 
											
											Après deux ans de procédures, les 
											procureurs, qui dépendent en Suède 
											du pouvoir politique, restent fermes 
											: il n'y aura pas d'interrogatoire 
											avant qu'Assange ne renonce à son 
											asile en Équateur.  « Une 
											véritable violation du droit 
											international, qui a d'ailleurs 
											suscité une réforme du mandat 
											d'arrêt européen ainsi que des modes 
											d'extradition au Royaume-Uni. 
														  | 
														
														 | 
													
												
											 
											
											
											 Sauf qu'un amendement a été 
											opportunément ajouté afin que ces 
											modifications ne s'appliquent pas à 
											mon cas. »
											
											
											Loin de crier à un complot que tous 
											devinent, Julian Assange a très vite 
											compris qu'il n'avait d'autre choix 
											que de contre-attaquer.  Les 
											États-Unis pensaient pouvoir 
											paralyser la nouvelle icône de 
											l'anti-impérialisme sans se salir 
											les mains, Assange a décidé de se 
											battre.  « Nous aurions dû être 
											écrasés dès les premiers mois. Mais 
											nous sommes encore là. Nous avons 
											démontré qu'aujourd'hui, lorsque 
											l'on se bat pour une cause juste, il 
											est possible de défier les plus 
											grands pouvoirs. » 
											
											
											Alors qu'Hillary Clinton, 
											John Kerry
											Barack Obama et même le procureur 
											général des États-Unis,
											Eric Holder, 
											multipliaient les visites en Suède - 
											un pays qui n'avait reçu aucun 
											dignitaire américain depuis 
											Kissinger, Julian Assange a fait 
											avec ce qu'il avait.  Un compte 
											Twitter et une organisation 
											asphyxiée par un blocus économique. 
											
											
											Les révélations se sont multipliées 
											et il n'est pas dit 
											que Julian Assange soit pour rien 
											dans la perte par le marchand 
											d'armes suédois 
											Saab du marché des 
											avions de chasse suisses, suite à un 
											référendum en mai 2014. 
											
											
											Si sa situation n'a pas évolué, il 
											n'en reste pas moins optimiste : «Paradoxalement, 
											quand je tente de mettre de côté ma 
											situation personnelle, cette 
											situation est idéale pour un 
											organisme de presse comme le nôtre. 
											Ici, impossible de nous 
											perquisitionner ou de nous censurer. 
											L'immunité diplomatique nous protège 
											et avec, les informations que nous 
											publions. Nous en sommes aujourd'hui 
											à 8 millions de documents, et nous 
											comptons continuer. »
											
											
											
											Ces petits succès ont redonné de 
											l'air à une organisation qui en 
											manquait cruellement. Aux hasards 
											d'une autre lutte, un certain
											Baltasar Garzón les a rapidement 
											rejoints.  Cette icône de la justice 
											universelle, connu pour avoir fait 
											arrêter en 1998, à quelques 
											encablures de l'ambassade 
											équatorienne, un certain Augusto 
											Pinochet, a accepté de prendre la 
											tête des équipes de défense de 
											Julian Assange. 
											
											
											L'ex-juge Garzón avait eu un jour 
											l'illusion du choix comme le proposa une 
											juge australienne à Assange, alors 
											adolescent, après qu'il ait "hacker" 
											par défi les mots de passe du 
											Pentagone.  Se ranger ou continuer.  
											«
											Si j'avais écouté le pouvoir, 
											explique Garzón, mais aussi ma famille ou tout 
											simplement le bon sens, je n'aurais 
											pas enquêté sur l'ETA. Ni sur les 
											GAL, les gouvernements successifs - 
											qu'ils aient été de gauche ou de 
											droite - ou Bush. Ni bien entendu 
											sur les fosses communes de la guerre 
											civile. » 
											
											
											C'est cette dernière 
											procédure qui lui a valu sa 
											suspension comme juge d'instruction 
											en Espagne, malgré la levée de 
											boucliers qui a suivi.  Trop 
											d'intérêts avaient été heurtés par 
											celui qui est entre-temps devenu 
											avocat.  Son élimination était 
											devenue nécessaire, par tous les 
											moyens. Il affirme aujourd'hui 
											n'avoir aucun regret.  Comme un 
											certain client nommé Assange.
											
											WikiLeaks, millionnaire virtuel
											
												
													| 
													 
													
													De la
													
													Syrie à la
													
													Centrafrique, le 
													traitement des
													
													télégrammes 
													diplomatiques états-uniens
													
													( 01 ) a paradoxalement 
													fait de Julian Assange non 
													seulement un expert en 
													géopolitique, mais un centre 
													névralgique de la 
													mondialisation.  Les visites 
													se multiplient et le soutien 
													se fait croissant. Empêtrés 
													dans une logique de guerre 
													froide, les diplomates 
													américains avaient cru 
													réussir le coup qu'avait 
													tenté l'URSS quelques 
													décennies auparavant avec 
													plusieurs de leurs 
													dissidents : le laisser 
													cuire à petit feu au sein 
													d'une ambassade quelconque 
													jusqu'à ce que l'opinion 
													l'oublie.  | 
													
													 | 
											
											
											Mais à l'heure d'Internet, ils 
											n'avaient pas seulement oublié que 
											les méthodes avaient changé : ce 
											sont les raisons mêmes de l'engagement
											sur lesquelles ils avaient buté.
											
												
													
														| 
														 | 
														
														 
														
											Interrogé sur les bitcoins
														
														( 02 ), cette 
											monnaie sans
											banque centrale 
											contrôlée par ses propres usagers, 
											il nous apprend qu'ils ont permis à 
											WikiLeaks de survivre, permettant à 
											des milliers d'internautes de 
											contourner le blocus bancaire dont 
											l'organisation avait fait l'objet.  « 
											Les autorités américaines ont fait 
											de nous des millionnaires virtuels
											», dit-il avec le sourire, alors 
														que leur cours a 
														brutalement été 
														multiplié par mille, et 
														sans que l'on sache ce 
														que ses paroles 
														comportent de bravade.  | 
													
												
											 
											
											
											 Mais pas 
											question de les convertir 
											soudainement. Car là encore chez 
											lui, ce qui semblait un coup du 
											hasard s'inscrit dans une 
											trajectoire de fond. 
											
											Dès 2011, dans 
											un entretien avec le président de 
											Google, l'informaticien lui faisait 
											découvrir l'existence de ce qui ne 
											valait encore que quelques cents.  « 
											C'est l'avenir », disait-il à 
											cet interlocuteur qui écoutait alors 
											perplexe.  Ce n'était pas la première 
											révolution à laquelle 
											Assange s'associait.  Il y a bien 
											entendu eu les printemps arabes, 
											dont même Hillary Clinton a admis à 
											demi-mots ce qu'ils devaient à 
											WikiLeaks. Puis Edward Snowden 
											qu'ils ont aidé à évacuer de Hong 
											Kong. 
											
											« Tous ceux qui travaillent 
											dans ces milieux savaient qu'une 
											surveillance plus ou moins 
											généralisée s'était mise en place. 
											Mais le détail des documents qu'il a 
											révélés a non seulement permis une 
											prise de conscience publique 
											généralisée, mais de savoir 
											exactement contre quelles armes nous 
											nous battions. C'est essentiel... 
											Surtout, c'était essentiel pour 
											préserver la possibilité d'une 
											lutte, d'une révolution. »
											
											
											
											La révolution.  C'est peut-être là la 
											matrice de cet homme que l'on a si 
											longtemps décrit comme arrogant, 
											égotique, insupportable.  La sienne 
											d'abord, celle d'un homme qui 
											n'avait jusqu'alors jamais vécu plus 
											d'un an et demi dans le même lieu.  Celle du monde qui l'entoure 
											ensuite, qu'il voit progressivement 
											s'engoncer dans une 
											commercialisation de ses valeurs, à 
											cause de l'outil même qui aurait dû 
											permettre de le transformer.
											
											
											« Lorsqu'enfant j'ai commencé à 
											programmer, l'informatique 
											personnelle était encore un espace 
											artisanal, où chacun pouvait 
											construire son propre monde. 
											Internet est arrivé avec la promesse 
											d'un nouvel espace de délibération 
											collective, réellement démocratique, 
											libéré des intérêts des puissants. 
											Aujourd'hui, nous assistons à une 
											monopolisation de cet espace public 
											par des grands groupes dont les 
											«valeurs», comme la fin de la vie 
											privée, sont de simples outils au 
											service de leur stratégie 
											commerciale. » 
											
												
													
														| 
														 
											
											Le constat est sombre, lucide, et 
											pourtant jamais désespéré. 
											
											« Nous 
											voyons partout des foyers de 
											contestation surgir.  
														 
														Du mouvement 
											des indignés à ce que nous faisons 
											en passant par  
											
														la multiplication des whistleblowers [lanceurs 
											d'alerte, ndlr], nous ne sommes 
											qu'au tout début d'une nouvelle ère 
											démocratique, qui trouve ses racines 
											dans les mêmes aspirations, et sa 
											possibilité d'existence grâce aux 
											mêmes outils.  
											
														»   | 
														
														 | 
													
												
											 
											
											
											Loin des discours anxiogènes ou 
											radicalement 
											individualistes, Julian Assange nous 
											décrit les formes que prendront 
											demain les nouvelles démocraties, 
											déliées des scories qui ont 
											progressivement dénaturé le terme, 
											jusqu'à en faire pour certains un 
											repoussoir. « Nos structures 
											politiques ont été pensées pour une 
											autre époque et ne réussiront pas à 
											s'adapter. »
				
											
											
											Une nouvelle ère démocratique
											
											
											Depuis peu, sur instruction de 
											l'ambassadeur, Julian Assange ne 
											reçoit plus à toute heure.  Contre 
											toute attente, il semble s'être 
											progressivement fait à cette 
											détention sans condamnation qui lui 
											a été imposée, et ses équipes 
											renouvelées ont retrouvé le sourire.  L'affaire Snowden les a remis au 
											centre du jeu, alors que ce que 
											d'aucuns décrivaient comme des 
											élucubrations apocalyptiques se sont 
											révélées en dessous de la réalité.
											
											
												
													
														| 
														 
											
											WikiLeaks, miraculeusement, 
											fonctionne toujours, et s'est même 
											payé le luxe d'entrer en conflit 
											avec l'un de ses principaux alliés,
											Glenn Greenwald, le 
														journaliste qui a révélé 
														les documents de 
														Snowden.  Celui-ci 
														refusait de révéler de 
														quel pays les États-Unis 
														interceptaient 
														l'ensemble des 
														communications, par peur 
														des conséquences que 
														cela pourrait avoir pour 
														la stabilité du 
														territoire.  
											Dans une série de tweets furieux, 
											Assange lui a reproché une mentalité 
											néo-coloniale qui l'amenait, sur 
											pression de l'administration Obama, 
											à décider au nom des populations 
											concernées ce qui était bon pour 
											leur pays.   | 
														
														 | 
												
											
												Le dernier annonçait que 
												WikiLeaks révélerait l'identité 
												du pays concerné sous 
												quarante-huit heures. Promesse 
												tenue, sans que l'on sache 
												comment il fut mis au courant. 
												C'était l'Afghanistan. 
 
											
											
											Alors que la nuit tombe, de l'autre 
											côté de la fenêtre victorienne, 
											rares sont ceux qui font encore 
											d'Assange le dangereux paranoïaque 
											qu'il fallait éliminer par tous les 
											moyens.  Ses idées se sont diffusées. 
											Demain, il recevra la visite d'Éric 
											Cantona, venu lui apporter son 
											soutien. Protégé de la violence 
											américaine, ayant trouvé un foyer 
											plus accueillant qu'au premier 
											abord, Julian Assange semble avoir 
											fait sa propre révolution, sans 
											avoir accepté la moindre 
											compromission. 
											
											
											En partant pourtant, alors que la 
											nuit est déjà tombée et que le 
											silence se fait dans l'ambassade, sa 
											main traîne, imperceptiblement, un 
											instant dans la nôtre.
											
											
											
												
													
														| 
														 
														
														
														Source: Obsession 
														pour Nouvel Observateur
														
														
														pour 
														
														
														
														Claude Perdriel  | 
														
 
Choix de photos, mise en page, références et titrage par : 
JosPublic 
														Publication : 
														17 novembre 2014  | 
													
												
												
												
												Ci-dessous: 
					des textes en lien direct avec le sujet:
												
													
													
														
															
																														
																																
																																	
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