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Extrait du Manifeste des
Lucides |
La population québécoise s’accommode de
cette situation de blocage parce qu’elle y
trouve son aise. Les Québécois travaillent
moins que les autres Nord-Américains; ils
prennent leur retraite plus tôt; ils se
paient des programmes sociaux plus généreux;
dans leur vie privée comme collective, ils
s’endettent jusqu’à la limite de leur carte
de crédit. Tout cela n’est qu’humain; nous
recherchons tous la vie la plus agréable
possible. Mais il faut aussi être réaliste.
D’ici quelques années
tout au plus, nos rêves
– en fait, pas les
nôtres, mais ceux de nos
enfants - seront
brutalement interrompus
par des coups sur la
porte : les huissiers !
-
Source: Manifeste des Lucides
consulté le 10 octobre
2015
( 01 ) |
|
Les lucides aussi pensaient cela. Les
québécois sont des paresseux, gâtés,
pourris. C’est encore un recours à la
culpabilisation pour faire admettre aux
québécois qu’ils doivent en donner plus aux
riches s’ils veulent que quelques miettes
tombent de leur table. Or, la table des
riches est de mieux en mieux protégée et la
concentration de la richesse de plus en plus
importante.
Donc, c’est peine perdue pour
les pauvres de croire aux miettes
éventuelles. Il vaudrait mieux tirer un bon
coût sur la nappe et prendre le dîner au
complet. Mais, on nous dit qu’alors les
plats nous tomberaient sur la tête pour nous
assommer et que nous serions pires qu’avant.
Et, bien sûr, nous le croyons, car ceux qui
le disent disposent de tous les moyens pour
transformer leur propagande en vérité. Comme
est réputé avoir dit
Joseph Goebbels, si un
mensonge est répété un nombre suffisant de
fois, il devient une vérité. Alors quand on
possède les médias…
Essayons de comprendre les fondements de
cette propagande sur le vieillissement de la
population et les coûts en santé.
|
1. Le vieillissement de
la population est-il un problème ? |
|
Fondamentalement, il y a deux aspects au
supposé problème du vieillissement de la
population.
Le premier est le manque de main
d’œuvre quand trop de gens prennent leur
retraite et que les jeunes ne suffisent plus
à la tâche.
Le second aspect porte sur
l’idée que le prolongement de la vie crée un
prolongement des périodes de maladie et
surtout de la période au cours de laquelle
le soutien aux personnes âgées dépend des
plus jeunes.
Voyons un peu ce qu’il en est.
1.1 Manquons-nous de main
d'oeuvre? |
|
Le vieillissement de la population devient
un problème quand la proportion de personnes
âgées, c’est-à-dire sortie des rangs des
producteurs, devient de plus en plus grande
sans que la structure du processus de
production ne soit modifiée. Le soutien
à
ces personnes « à charge » devient alors de
plus en plus lourd. Cette sortie du rang des
producteurs, toute chose étant égale par
ailleurs, crée une pénurie de travailleurs,
ce qui augmente le coût de la main d’œuvre
tout en diminuant la production.
Cependant, le phénomène de vieillissement
auquel nous assistons est accompagné d’une
présence moins importante des jeunes, mais
surtout, dans la situation actuelle, d’un
important chômage chez ces jeunes qui sont
réputés être devenus les soutiens de cette
société de vieillards « indignes » qui
passent leur temps à flamber leur
REER,
plutôt que de mourir comme ils le devraient
s’ils avaient une once de savoir vivre.
Ces deux éléments, vieillissement de la
population et chômage des jeunes, devraient
avoir des effets désastreux sur la situation
économique du pays. La première question qui
est subsidiaire de celle que nous avons
posée dans le titre porte donc sur le niveau
de production nationale. Est-ce que le fait
d’avoir de plus en plus de personnes âgées
sorties de la production et de moins en
moins de jeunes qui, de plus ne se trouvent
pas d’emploi, a diminué la production
nationale?
1.2 Avons-nous les moyens
de soutenir les vieux ? |
|
Si la population vieillit, plusieurs vont se
retrouver à la retraite et ainsi la force de
travail nationale devrait diminuer.
C’est la
vieille rengaine du nombre de jeunes qu’il
faut pour soutenir un vieux.
Cette situation
devrait rendre de plus en plus difficile de
soutenir les personnes âgées, qui vivent de
plus en plus vieux, avec une capacité de
production amputée d’une partie des
producteurs. |
|
Dans cette situation, le
PIB, mesure de la
production nationale, devrait diminuer per
capita. Le tableau 1 nous montre que ce
n’est pas le cas.
Tableau 1
Évolution du PIB et de la population
au Québec depuis 1990 |
Années |
PIB
(000 000) |
Population (000) |
PIB/Hab |
% de croissance |
2013 |
362 846 |
8 154 |
44 499 |
0,6 |
2012 |
357 431 |
8 084 |
44 215 |
2,4 |
2011 |
345 732 |
8 007 |
43 179 |
3,9 |
2010 |
329 670 |
7 929 |
41 578 |
3,4 |
2009 |
315 531 |
7 844 |
40 226 |
3,4 |
2008 |
313 595 |
7 762 |
40 401 |
-0,4 |
2007 |
305 876 |
7 693 |
39 760 |
1,6 |
2006 |
290 779 |
7 632 |
38 100 |
4,4 |
2005 |
280 447 |
7 581 |
36 993 |
3,0 |
2004 |
271 553 |
7 535 |
36 038 |
2,6 |
2003 |
259 545 |
7 485 |
34 675 |
3,9 |
2002 |
249 021 |
7 442 |
33 462 |
3,6 |
2001 |
238 396 |
7 396 |
32 233 |
3,8 |
2000 |
230 623 |
7 357 |
31 347 |
2,8 |
1999 |
216 102 |
7 323 |
29 510 |
6,2 |
1998 |
201 009 |
7 296 |
27 550 |
3,8 |
1997 |
193 119 |
7 275 |
26 546 |
4,3 |
1996 |
184 474 |
7 247 |
25 455 |
1,4 |
1995 |
181 229 |
7 219 |
25 104 |
3,7 |
1994 |
174 043 |
7 192 |
24 200 |
6,3 |
1993 |
165 239 |
7 257 |
22 770 |
0,4 |
1992 |
161 221 |
7 110 |
22 675 |
1,6 |
1991 |
157 786 |
7 067 |
22 327 |
0,2 |
1990 |
155 919 |
6 997 |
22 284 |
|
Source :
Statistique Canada, sauf pour la
dernière colonne qui est le chiffre de
l’année de la colonne 4 divisé par le
chiffre de
l’année précédente. |
Comme on le
voit, indépendamment de leur statut :
retraité, jeune, handicapé, chômeur etc.
Nous n’avons jamais produit autant de
richesse par habitant en dollars courants,
mais aussi en dollars constants si nous nous
référons aux taux d’inflation officiels. Si
nous faisons la moyenne des taux de
croissance, nous arrivons à 2,91 pour la
période couverte dans le
tableau 1.
Si nous
prenons l’IPC
(indice des prix à la
consommation) sur le site
www.Inflation.eu
nous obtenons une moyenne d’inflation de
1,98 pour les années couvertes. Donc, le PIB
réel par habitant aurait augmenté de (2,91 –
1,98) 0,93 par année durant les 23 années
finissant en 2013. Alors, la production
augmente et le PIB par habitant augmente
aussi à chaque année, ce qui implique que le
système de production ne fonctionne plus
comme avant et que le ratio jeune/vieux n’a
plus l’importance qu’il avait.
Qui plus est,
alors qu’on nous projette toujours l’image
de ce pauvre jeune travaillant comme un fou
pour soutenir ses quatre ou cinq retraités,
on assiste au contraire à un chômage des
jeunes qui est devenu un problème majeur
dans la plupart des sociétés occidentales.
La technologie semble avoir remplacé la
force de travail.
La question ne serait donc
plus de savoir combien de jeunes nous avons
pour un vieux, mais combien de machines nous
avons, et si le gouvernement prend ses
revenus au bon endroit. |
|
|
Troisième grande
révolution |
Après des années de
prévisions optimistes et
de faux départs, les
nouvelles technologies
d’ordinateurs et de
communications ont
finalement l’impact tant
attendu sur le marché du
travail et l’économie,
jetant la communauté
mondiale dans la
troisième grande
révolution industrielle.
- Source (Rifkin, 1995,
p. XV) (Notre
traduction) |
|
|
|
Si on se fie à ces chiffres, nous sommes
collectivement plus riches que nous ne
l’avons jamais été. Il n’est donc pas
question d’une faiblesse dans la production.
Si la production augmente quand le chômage
augmente, c’est que la technologie compense
avantageusement pour la diminution de la
force de travail humaine.
|
Fin du travail ? |
En 2015, pour la
première fois, le
travail humain est
systématiquement éliminé
du processus de
production.
-
Source: (Rifkin,
1995, p. 3) |
|
|
|
Si ce n’est pas un problème de production
c’est un problème de répartition. Le fait
que les humains soient éliminés, en bonne
partie, du processus de production impose
des exigences nouvelles au système de
répartition. Le salaire ne pourra plus être
la méthode privilégiée de répartition de la
richesse dans une société et les impôts sur
la masse salariale ne pourront plus suffire
au fonctionnement de l’État.
Dans le système que nous avons connu, le
mode principal de répartition des gains de
la production était le salaire. Les états
palliaient les déficiences inhérentes à ce
mode de répartition en soutenant ceux qui
n’avaient pas de revenus, ou très peu, et en
offrant des services publics gratuits ce qui
soulageait ceux dont le salaire était plus
bas.
Mais, si la richesse se
produit avec beaucoup moins
de main d’œuvre et souvent
d’une autre catégorie (plus
instruite, mieux payée, mais
bien moins nombreuse),
qu’arrive-t-il des gens qui
ne sont plus nécessaires?
Il faut les soutenir quand
même, mais une fiscalité qui
est basée sur les gains du
travail risque de produire
un manque de ressources pour
le gouvernement. |
|
La production augmente sans cesse alors que
les impôts sur les bénéfices de la
technologie n’augmentent pas, voire
diminuent. Il va falloir aller chercher
l’argent où il se trouve.
À ce stade-ci, il apparaît que nous ne
sommes pas collectivement plus pauvres, mais
que la distribution des revenus évolue vers
une concentration de plus en plus marquée,
voilà le véritable problème.
1.3 Le
vieillissement augmente-t-il les coûts en
santé au Québec ? |
|
Notre seconde interrogation porte sur la
croissance des coûts en santé dans notre
société qu’on présente toujours comme
singulière du fait même de la présence des
« boomers ». Cette frénésie procréatrice
semble avoir été uniquement le fait des
québécois. Qu’importe d’ailleurs le
vieillissement de la population si les
jeunes sont au chômage.
Les coûts en santé auraient-ils augmenté
indépendamment des autres coûts dans les
dépenses gouvernementales? Cela serait tout
de même étonnant, puisque le degré de
privatisation des soins de santé au Québec
ne cesse d’augmenter. Mais il s’agit d’un
élément important à vérifier en se rappelant
qu’il faut distinguer la dépense en santé
globale dans une société de la dépense faite
par le gouvernement.
Historiquement, le Québec a toujours dévolu
une part plus faible de sa richesse à la
santé que l’ensemble du Canada pour:
(dans l'encadré)
|
Dépenses en santé
stables |
Les dépenses gouvernementales en santé se
sont maintenues dans une fourchette de 30% à
34% des revenus du gouvernement du Québec
depuis trente ans. Les dépenses en services
médicaux et hospitaliers ont diminué en
proportion des revenus de 24% en 1975-76 à
22% en 2005-06.
Par rapport à l’Ontario, les dépenses
gouvernementales en santé au Québec ont bien
été contrôlées. L’ICIS estime que la
proportion des dépenses en santé sur les
dépenses de programme est stable, à 30%, au
Québec de 1980 à aujourd’hui, tandis qu’elle
augmente de 30% à 45% en Ontario. Ce
résultat est en contradiction avec le
Rapport Ménard, Garantir l’accès, et le
MFQ
qui insistent tous sur un accroissement des
dépenses socio-sanitaires de 32% à 43% de
1985-86 à 2005-06. -
Source (Béland, 2006)
En conséquence, Béland conclut :
Rien dans les données ne permet de conclure
qu’au Québec l’évolution des dépenses
gouvernementales en santé est insoutenable
en fonction de la richesse nationale.
Ici, comme dans les autres provinces
canadiennes, ce sont moins les dépenses
gouvernementales en santé qui ont augmenté
relativement au PIB que les dépenses
gouvernementales de programmes qui ont
diminué.
Source: Béland, François, 2014,
Les dépenses de santé au Québec: la bataille
des chiffres, Mémoire déposé à la
Commission des affaires sociales. 2006
|
|
|
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|
Si nous considérons la dépense totale
en
santé des ménages québécois, il ne serait
pas étonnant qu’elle soit en hausse, car
l’augmentation de la part du privé dans les
soins de santé semble les faire augmenter et
le degré de privatisation du système de
santé québécois connaît une hausse
constante.
Si nous produisons plus de richesse par
habitant, est-ce alors que les coûts en
santé par habitant ont éclaté et que tout
contrôle a échappé aux pouvoirs publics?
Tableau 2
Statistiques comparées des coûts de
santé |
|
Proportion du PIB
2011 |
Dépense per capita
2013 |
Dépense per capita
2009 |
Québec |
11,8 |
5 531 |
4 734 |
Ontario |
11,3 |
5 835 |
5 313 |
Canada |
11,2 |
5 988 |
5 235 |
USA |
17,7 |
|
9 552 |
Source :
Cirano.qc.ca, Le Québec Économique.
|
Le Québec semble dépenser une fraction
légèrement plus importante de son PIB pour
la santé, quoique en dollars, la dépense
soit moindre. La raison en est, sans doute,
que le PIB du Québec n’est pas des plus
élevés. Celui de l’Ontario le dépasse et le
nombre d’habitants de cette province lui
confère un poids des plus importants dans
les données touchant le Canada.
|
Quand la
bande à
Lucienne Robillard prend l’Ontario et le
Canada comme étalons de mesure, c’est assez
redondant, car le PIB de l’Ontario aura
forcément la plus forte influence sur le PIB
du Canada.
Il faudrait alors prendre le PIB
par habitant pour éliminer l’effet de
taille.
Mais, évidemment, ce serait une
démonstration minimale d’honnêteté qui
n’entre pas dans le mandat de la commission. |
On voit qu’aux États-Unis, en dépit du fait
qu’une partie encore significative de la
population soit laissée sans protection, la
portion du PIB dévolue à la dépense en santé
est beaucoup plus importante que ce qui se
fait au Canada en général et au Québec en
particulier. Cette différence est attribuée
par Cirano (2015) en grande partie, aux
dépenses en assurance privée.
L’inclusion d’autres pays, à titre
comparatif, éclaire notre vision.
Tableau 3
Proportion du PIB dévolu à la santé |
|
Pays |
1995 |
2000 |
2005 |
2010 |
2011 |
2012 |
% 2012/95 |
Australie |
7,25 |
8,05 |
8,48 |
8,94 |
9,16 |
9,13 |
1,26 |
Canada |
9,03 |
8,84 |
9,82 |
11,37 |
10,92 |
10,93 |
1,21 |
Chine |
3,55 |
4,63 |
4,68 |
4,98 |
5,15 |
5,42 |
1,53 |
France |
10,36 |
10,08 |
11,02 |
11,68 |
11,64 |
11,75 |
1,13 |
R-U |
6,75 |
7,02 |
8,27 |
9,55 |
9,41 |
9,44 |
1,40 |
PPTE |
4,78 |
5,10 |
5,70 |
6,37 |
6,26 |
6,26 |
1,31 |
OCDE |
9,57 |
10,12 |
11,35 |
12,51 |
12,39 |
12,61 |
1,32 |
USA |
13,61 |
13,58 |
15,77 |
17,65 |
17,68 |
17,91 |
1,32 |
Norvège |
8,57 |
9,13 |
9,53 |
10,34 |
9,94 |
9.00 |
1,05 |
PPTE : pays pauvres très endettés.
Source : Statistiques de la
Banque Mondiale |
Le Québec se situe toujours près de la
moyenne canadienne. Le Canada, quant à lui,
se situe assez près de la moyenne de l’OCDE,
bien que la dépense en santé ait augmenté,
en moyenne, plus rapidement dans les pays de
l’OCDE.
Le Canada ne donne aucun signal
d’un besoin en santé plus grand que celui
des autres pays développés.
Les États-Unis,
encore une fois, se démarquent sensiblement
des autres pays. Quand on regarde la
proportion de leur PIB dévolue à la santé et
la croissance de ces coûts.
Deux
possibilités s’offrent alors à nous.
|
|
- La première serait que le PIB des
États-Unis, par habitant, est beaucoup plus
bas que celui des pays développés figurant
dans le tableau 3. C’est-à-dire que même en
dépensant une bien plus grande proportion du
PIB que les autres, l’effet par habitant
reste très limité. Ce n’est pourtant pas la
bonne réponse.
- La seconde serait que le système de santé
états-unien serait, de loin, le meilleur au
monde car il reçoit beaucoup plus de
ressources. Ça ne semble pas non plus être
le cas, sauf dans les délires de
Denis
Arcand.
Certains critères très simples sont utilisés
pour évaluer les systèmes de santé :
l’espérance de vie, l’espérance de vie à 65
ans et la mortalité infantile. À ces
critères, on peut ajouter l’espérance de vie
en santé après 65 ans. On comprendra
toutefois que ce critère est plus flou, car
qu’est-ce qu’être en santé?
|
2. Les systèmes de santé
étrangers sont-ils meilleurs que le nôtre ? |
|
Si ça ne coûte pas plus cher qu’ailleurs
c’est peut-être que notre système est moins
bon. Il est tellement décrié dans tous les
médias, et maintenant par le blitz de
publicité fait contre la réforme Barrette,
que la question se pose.
|
Cela dit, bien
qu’il soit difficile de se faire une opinion
pour l’instant sur la réforme Barrette
( 03 )
,
notons les sommes folles dépensées par ses
opposants en publicité télévisée, entre
autres : la fédération des médecins
spécialistes, l’ordre des omnipraticiens,
l’ordre des pharmaciens, autrement dit, tous
ceux qui profitent du système actuel.
La
seule fois où les médias ont permis à une
association de patients de s’exprimer, la
voix semblait discordante dans le concert de
reproches, mais elle est passée trop vite
pour laisser des traces. |
2.1 Mesurer la
performance des systèmes de
santé |
|
Les données sur l’espérance de vie peuvent
varier légèrement selon la source et l’année
car cette espérance de vie augmente à vue
d’œil dans plusieurs pays.
Cela dit elle
commence à plafonner.
Si on se fie aux
données de l’Organisation Mondiale de la
Santé (OMS), le Canada et les États-Unis ne
figurent pas en tête du palmarès de la
longévité. |
|
Tableau 4
Palmarès des espérances de vie les
plus longues en 2012 |
Hommes |
Âge |
Femmes |
Âge |
Islande |
81,2 |
Japon |
87,0 |
Suisse |
80,7 |
Espagne |
85,1 |
Australie |
80,5 |
Suisse |
85,1 |
Israël |
80,2 |
Singapour |
85,1 |
Singapour |
80,2 |
Italie |
85,0 |
Nouvelle-Zélande |
80,2 |
France |
84,9 |
Italie |
80,2 |
Australie |
84,6 |
Japon |
80,2 |
République de Corée |
84,6 |
Suède |
80,0 |
Luxembourg |
84,1 |
Luxembourg |
79,7 |
Portugal |
84,0 |
À première vue, il sera très difficile de
découvrir les conditions qui mènent à de
tels résultats. Nous avons des pays au
climat rude ou plus facile, aux conditions
politiques stables ou très perturbées et aux
populations grandes ou petites, mais bien
qu’intéressant en soi, ce n’est pas notre
propos. L’OMS nous dit aussi que
l’espérance de vie augmente plus vite dans
les pays les plus pauvres progressivement
jusqu’aux pays les plus riches
(OMS, 2014).
On peut penser
que, dans les pays développés, à un moment
donné, les conditions négatives (stress,
pollution, etc.) vont contrebalancer les
conditions positives (hygiène, qualité de la
nourriture, systèmes de santé, etc.). Notons
aussi, que le Canada vient juste après les
10 premiers et que le Québec égale la
moyenne canadienne.
La question de la prévention joue aussi un
rôle important. Dans les milieux de la
santé, au Québec, on disait qu’un dollar
investi dans la prévention en sauvait sept
au niveau curatif. La lutte à la pauvreté
est un de ces moyens de prévenir les
problèmes de santé. Toute la politique
sociale est faite de vases communicants et
doit être étudiée de façon systémique.
L’espérance de vie au Canada a passablement
augmenté depuis le début du 20ème siècle. En
1920, par exemple, l’espérance de vie était
de 59 et 61 ans respectivement pour les
hommes et les femmes.
|
|
Tableau 5
Espérances de vie comparées |
Lieu |
Période |
Hommes |
Femmes |
Ontario1 |
2012 |
79 |
84 |
Québec1 |
79 |
83 |
Canada1 |
79 |
83 |
États-Unis2 |
(Projection) 2015 |
77,4 |
82,2 |
L’espérance de vie est un des éléments qui
permettent de juger globalement d’un système
de santé. Malgré qu’il coûte bien moins
cher, le système de santé québécois performe
mieux que le système états-unien sur ce
critère. Un autre critère important est le
taux de mortalité infantile. Il serait de 4
pour mille au Canada et de 6 pour mille aux
États-Unis. Encore là, le Canada performe
mieux, avec moins.
Encore une fois,
cependant, la statistique globale cache
certaines réalités. Par exemple, un noir
états-unien à une espérance de vie plus
courte que les gens dans plusieurs régions
de l’Inde ou certains pays d’Afrique (Sen,
1999).
Une telle affirmation en dit long sur
les oubliés de ce système le plus couteux au
monde.
La mortalité infantile est très positive.
Elle se mesure en nombre de morts pour 1000
naissances. |
|
Tableau 6
Mortalité pour 1000 naissances |
|
1991 |
2001 |
2011 |
USA |
9.5 |
7.1 |
6.8 |
Québec |
7.0 |
5.2 |
5.2 |
Tableau 7
Différents taux de mortalité
infantile |
Région |
Années |
Taux |
Québec |
2013 |
4,8 |
|
2012 |
5,0 |
|
2011 |
4,5 |
Canada |
2011 |
4,8 |
Ontario |
2011 |
4,6 |
Alberta |
2011 |
5,3 |
BC |
2011 |
3,8 |
US |
2012 |
6,0 |
France |
2012 |
3,5 |
RU |
2012 |
4,1 |
Australie |
2012 |
3,3 |
Japon |
2012 |
2,2 |
Suède |
2012 |
2,6 |
Suisse |
2012 |
3,6 |
Les statistiques pour le Québec sont
meilleures que celles de l’Ontario et,
partant, que la moyenne canadienne.
Évidemment, elles ne seront pas citées par
Mme Robillard.
On constate cependant que
plusieurs pays ont atteint des taux bien
meilleurs que ceux que nous voyons au
Canada. Il y a donc encore beaucoup de
travail à faire.
Ce travail ne semble pas se
trouver du côté de la privatisation,
toutefois, où le taux est le plus élevé des
pays développés avec 6 pour 1000.
|
|
Bien sûr, les statistiques sur l’espérance
de vie et la mortalité infantile
n’intéressent pas Mme Robillard. Elle
utilise comme mesure un sondage fait auprès
de la population. Il est évident qu’après
quelques décennies de propagande négative au
sujet du système de santé les résultats
sont connus d’avance. C’est tout de même
extraordinaire qu’elle se base complètement
sur ce sondage pour appuyer son délire.
2.2 La dépense publique et
privée |
|
Le dernier élément de la question porte sur
la répartition de la dépense entre le public
et le privé. L’évolution de la dépense en
santé au Canada est décrite ainsi :
(dans l'encadré)
|
La dépense publique et
privée |
Les dépenses en santé du secteur public au
Canada ont augmenté de 6,7 % par année de
2000 à 2011 (la dernière période pour
laquelle les données sont disponibles).
Selon les prévisions, le taux de croissance
devrait ralentir en 2012 et 2013, pour
passer à 2,7 % et 2,5 %, respectivement.
Source:
ICIS,
2014 |
|
|
|
Au Québec, le taux d’augmentation de la
dépense publique (gouvernement) est de 5,4%
par année en moyenne pour la période
2001-2013. D’après ces données, la dépense
publique augmente moins vite au Québec que
dans l’ensemble du Canada (6.7%). Dans ce
6.7% trouvé au Canada, le vieillissement de
la population compterait pour moins de 1%,
alors que la plus grande part, 2,5%
viendrait de l’inflation générale.
Notons
que Mme Robillard ne dit pas le contraire
malgré ce qu’il en semble. Elle dit que le
PIB du Québec augmente moins vite que celui
de l’Ontario. Après, elle dit que la dépense
gouvernementale augmente proportionnellement
dans l’ensemble des dépenses du budget.
Évidemment, elle laisse le lecteur conclure
que le Québec dépense plus, mais elle ne le
dit pas vraiment.
Dégrossissons un peu les données agrégées et
regardons le comportement du budget de la
direction nationale, comparé au reste du
budget du ministère. |
|
Tableau 8
Dépense publique en santé (000 000) |
Année |
Reste du budget-santé |
% de variation |
Direction nationale |
% de variation |
2001 |
16 098 |
|
213 |
|
2002 |
17 198 |
6,8 |
209 |
-1,9 |
2003 |
17 921 |
4,2 |
225 |
7,8 |
2004 |
19 084 |
6,5 |
247 |
9,7 |
2005 |
20 112 |
5,4 |
263 |
6,8 |
2006 |
20 873 |
3,8 |
268 |
1,6 |
2007 |
22 453 |
7,6 |
286 |
7,5 |
2008 |
24,115 |
7,4 |
365 |
26,6 |
2009 |
25 696 |
6,6 |
374 |
2,8 |
2010 |
27,467 |
6,9 |
492 |
31,7 |
2011 |
28 514 |
3,8 |
483 |
-1,9 |
2012 |
29 341 |
2,9 |
524 |
8,33 |
2013 |
30 102 |
2,6 |
486 |
-7,2 |
Moyenne de croissance |
|
64,5 / 12
5,4% |
|
91,8 / 12
7,7% |
La dépense de la direction nationale
augmente de 2.3% par année de plus que les
autres dépenses. Cependant les autres
dépenses comprennent déjà des frais de
direction régionale et locale.
Il est clair
qu’à cette vitesse, les directions les plus
éloignées des services s’engraissent pendant
que, sur la ligne de feu on coupe des moyens
de fonctionner. Il me semble que ce n’est
pas vraiment nouveau.
Une dernière comparaison pancanadienne donne
une vision plus complète de la situation.
|
|
Tableau 9
Dépense totale de santé et
répartition publique-privée pour les
provinces canadiennes par habitant
en 2013 |
Province et territoire |
Dépense/
habitant |
% du PIB |
Publique |
Privée |
% privée |
TNL |
7 132 |
10,6 |
5 458 |
1 673 |
23,5 |
IPE |
6 354 |
16,6 |
4 695 |
1 659 |
26,1 |
NE |
6 514 |
16,1 |
4 456 |
2 059 |
31,6 |
NB |
6 474 |
14,8 |
4 445 |
2 029 |
31,3 |
Qc |
5 531 |
12,2 |
3 944 |
1 588 |
28,7 |
ONT |
5 835 |
11,5 |
3 952 |
1 883 |
32,3 |
Man |
6 633 |
14,1 |
4 888 |
1 745 |
26,3 |
Sask |
6 626 |
8,9 |
5 034 |
1 592 |
24,0 |
Alb |
6 787 |
8,3 |
4 951 |
1 836 |
27,1 |
C-B |
5 775 |
11,8 |
3 978 |
1 797 |
31,1 |
Yn |
9 979 |
12,6 |
7 994 |
1 985 |
19,9 |
TNO |
10 686 |
9,0 |
8 838 |
1 849 |
17,3 |
Nun |
13 152 |
20,9 |
12 204 |
947 |
7,2 |
Canada |
5 988 |
11,2 |
4 200 |
1 787 |
29,9 |
Source :
ICIS, 2014, p. 47 |
On voit rapidement que les provinces les
plus pauvres ont une plus grande dépense par
habitant. Il est vrai qu’elles sont soit
dans des conditions d’éloignement et de
température extrême, soit assez peu
peuplées, ce qui limite les possibilités
d’économies d’échelle. À ce niveau, nous
retrouvons ce que nous savions déjà. Mais,
on peut constater que le Québec est une des
régions canadiennes où la privatisation est
la plus forte ce qui semble impliquer une
dépense totale plus forte.
Mais la question qui nous intéresse
maintenant tient à la proportion des
dépenses de santé affectées aux personnes
âgées.
Tableau 10
Évolution de la part des dépenses en
santé des gouvernements provinciaux
et territoriaux selon le groupe
d’âge |
Groupe d’âge |
2000 |
2011 |
Moins de 1 an |
2,9 |
2,9 |
1 à 64 ans |
53,1 |
52,1 |
65 ans et plus |
44,0 |
45,0 |
Source:
ICIS, 2014, p. 59 |
Cela devient de plus en plus évident que si
on ne peut nier qu’il y ait un effet du
vieillissement de la population sur les
dépenses en santé, celui-ci se fait sentir
très graduellement et d’une manière assez
ténue.
Tableau 11
Contribution du vieillissement à la
croissance annuelle des dépenses de
santé |
|
Variation totale (%) |
Variation due au vieillissement (%) |
Hôpitaux |
6,5 |
1,1 |
Médecins |
7,5 |
0,6 |
Médicaments |
7,6 |
1,1 |
Autres |
5,5 |
2,2 |
Source:
ICIS, 2014, p. 60 |
Ce que cette avalanche de chiffres nous dit,
c’est que le système de santé, au Québec,
malgré la publicité négative continue qui
lui est faite par les promoteurs de la
privatisation, performe bien, comparé à
l’ensemble des systèmes de santé dans le
monde.
La part du PIB qui est consacré à la
santé demeure dans les limites reconnues
comme normales dans nos sociétés et les
résultats, selon les critères généralement
utilisés pour juger les systèmes de santé,
sont très bons.
Alors à quoi sert ce déversement de
prévisions catastrophiques sinon à nous
faire accepter des régimes d’austérité qui
n’empêchent pas l’argent de couler vers la
supposée aide aux entreprises dont les
résultats sont plus que discutables, mais
très peu discutés. |
|
 |
Ça fait maintenant au moins une vingtaine
d’années qu’on nous prédit la catastrophe du
système de santé due au vieillissement de la
population. Cette prédiction servait à
justifier un désengagement de l’État dans le
système de santé et la privatisation
graduelle que nous connaissons.
|
Selon
la CSQ |
« En 2009, ce n’est que 3% des personnes
âgées de 65 ans et plus qui sont hébergées
en
CHSLD… Ce n’est qu’après l’âge de 85 ans
que l’option de quitter son domicile prend
plus d’ampleur. »
« Le vieillissement n’est pas la principale
cause de la croissance des coûts dans le
secteur de la santé. (…) …depuis 10 ans
provient principalement de la croissance des
dépenses de médicaments (11,6%), des
immobilisations (8,7%) et de la rémunération
des médecins (5,5%) »
« L’utilisation accrue des services de santé
… en moyenne, chaque canadien a reçu plus de
soins de santé en 2007 qu’en 1998, quel que
soit son âge, aussi bien à 40 ans qu’à 65
ans et plus. »
« La grande majorité des personnes âgées
d’aujourd’hui sont autonomes, en bonne
santé, socialement actives et économiquement
indépendantes. »
Source:
CSQ.ORG |
|
|
|
Ces conclusions, qui sont tirées d’une série
d’études (dont en avions déjà cité quelques-unes
( 04 )), montrent bien à quel point le discours
officiel fonctionne à la propagande et que
cette propagande fonctionne puisque tout le
monde le répète à tort et à travers. Des
journalistes aux humoristes, on répète ce
que le sondage du Commonwealth Fund
( 05 ) a trouvé
et il a trouvé ce que ceux qui ont le
pouvoir veulent nous faire croire.
Il n’y a donc aucune raison de paniquer, et
les chiffres qui mesurent la performance
(comme dirait Mme Robillard) montrent qu’au
Québec, le ratio coût/bénéfice est
excellent.
Source:
Gaétan Breton:
Comptable de formation, il est
titulaire de nombreux diplômes
dont un Baccalauréat en
Administration des Affaires de
l'École
des hautes études commerciales
de Montréal et un doctorat en
comptabilité de la
City University
de Londres. Il est également
diplômé de l'UQÀM
(Baccalauréat en études
littéraires) et de l'Université
de Sherbrooke
(Maîtrise en études françaises). |
Choix de photos,
mise en page,
références et titrage
par : JosPublic
Publication :
17 octobre 2015 |
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