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En avril 2013 après 24 heures de voyage depuis l’Asie, un cadre d’Alstom est arrêté à la sortie de son avion à l’aéroport JFK de New York et jeté en prison. Du côté du drame psychologique, Frédéric Pierucci, ex-directeur monde de la division chaudière d’Alstom, nous fait vivre la dégringolade hallucinante d’un cadre dirigeant ordinaire d’une multinationale.
Et enfin, et c’est sans doute le plus douloureux, la séparation d’avec sa femme et ses quatre enfants, qui depuis l’autre bout du monde, à Singapour, tentent de démêler l’incroyable imbroglio dans lequel le père de famille est tombé. Il y a deux affaires Alstom, celle d’un système de corruption que la justice américaine a dans le viseur et que son état-major, Patrick Kron en tête, gère de la pire manière. Et celle de la vente de la division énergie d’Alstom à General Electric. Pour Frédéric Pierucci, qui a fait 25 mois de prison aux États-Unis, les deux affaires sont imbriquées et passent en partie par un livre explicatif «Le piège américain » révèle comment les USA utilisent le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) comme outil de guerre économique contre les pays européens. Le livre permet de comprendre dans le détail les dessous de cette affaire et d’alerter les entreprises françaises sur les dangers qui les guettent. Le lampiste étant devenu au passage un spécialiste du Foreign corrupt practices act (FCPA), qui leur coûte très cher. Car selon ces calculs, "entre 1977 et 2014, sur 26 amendes supérieures à 100 millions de dollars, 21 concernent des sociétés non américaines". |
Le premier interlocuteur du cadre est David Novick, procureur fédéral dans le Connecticut en charge du dossier. Il lui propose de "faire des choses pour (eux)… contre Alstom et sa direction" admettant que Frédéric Pierucci "n’était pas décisionnaire mais (…) au courant de tout ce qui se passait". "Ce que nous voulons, c’est poursuivre la direction générale d’Alstom et notamment son P.-D.G., M. Kron". Le cadre refuse, suivant les consignes de la maison, et persuadé que sa direction va le tirer de ce mauvais pas.
C’est ce consultant qui a lui-même versé des commissions à des élus indonésiens et dont le département de la Justice (DOJ) a le témoignage. En la matière, le cadre a strictement suivi toutes les procédures internes d’Alstom, tandis que la responsabilité du choix des consultants incombait au service "Conformité" de l’entreprise. Au cours de ses différentes auditions, Frédéric Pierucci comprend que le DOJ enquête sur Alstom depuis 2009 et que la société fait semblant de coopérer tout en poursuivant sa politique. Son emprisonnement a pour but de mettre la pression sur la direction pour qu’elle coopère. Deux autres cadres sont également mis en examen, dont un qui a quitté l’entreprise. Frédéric Pierucci apprend que Keith Carr, le directeur juridique d’Alstom, s’est rendu à Washington pour négocier avec le DOJ, il témoigne : "vingt-quatre heures après mon arrestation, mais lui n’a nullement été inquiété par le FBI. Ce qui ne cesse de m’intriguer." |
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Finalement, le cadre préférera plaider coupable pour avoir une chance de réduire sa peine. Après 14 mois de prison, il est mis en liberté conditionnelle, puis peut revenir en France après moult péripéties en attendant son jugement qui a finalement lieu en 2017 et qui le renvoie pour 12 mois en prison puisque la sentence est de 30 mois de prison. Alstom signera finalement de son côté un plaidoyer de culpabilité le 22 décembre 2014. Frédéric Pierucci ne le loupe pas : "J’observe que la très grande majorité des 75 millions de pots-de-vin ont été versés après l’arrivée de Kron à la tête d’Alstom (en 2003). (…) On comprend donc mieux ce que risquait Patrick Kron s’il avait été poursuivi."
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Cette possibilité n’a pas manqué d'interroger des spécialistes du renseignement français et les députés de la nation. En novembre 2017, l’assemblée lance une commission d’enquête parlementaire sur "la politique industrielle et notamment les cas d’Alstom, Alcatel et STX". Elle a tenté de démêler le sujet. Dans ses conclusions écrites, la commission admet qu’elle n’a pas trouvé de preuves de cette thèse : "Alstom a été fragilisée financièrement par les poursuites américaines anti-corruption mais aucun élément factuel ne permet de corroborer la théorie selon laquelle General Electric aurait instrumentalisé ces procédures pour faciliter le rachat d’Alstom".
Ce dernier quittera l’entreprise en janvier 2015 avec un bonus de 6,5 millions d’euros pour ses bons et loyaux services. Sans sous-estimer la situation délicate d’Alstom à l’époque, il faut constater qu’il a vendu à General Electric, donc au gouvernement états-unien, l’expertise qui permet la maintenance des centrales nucléaires françaises et de ses sous-marins de dissuasion.
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