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Ainsi, en 2018-2019 et 2019-2020, le coût estimé de 44 % des 5 277 contrats de construction, de services professionnels et de services techniques de plus de 25 000 dollars a été surévalué ou, surtout, sous-évalué. Quelque 1 260 contrats dont les coûts avaient été estimés à un total d’un milliard de dollars ont finalement entraîné une facture plus élevée de 251,4 millions$. C’est une augmentation de 24 %. Par ailleurs, un millier de contrats d’une valeur estimée à 712,6 millions$ ont coûté 145,9 millions$ moins cher, une différence de 20 %. Les écarts peuvent s’expliquer par les « conditions du marché », comme la surchauffe dans l’industrie de la construction, mais « pour près des deux tiers des dossiers, les écarts étaient attribuables principalement au manque de rigueur des estimations, par exemple à l’utilisation de coûts moyens historiques inappropriés ou à une sous-évaluation de la complexité d’un projet ». La VG rappelle qu’« une estimation rigoureuse de coûts des travaux est une étape importante pour s’assurer que les prix soumis par les firmes sont justes et raisonnables et que les dépassements de coûts sont minimisés ». Manque de personnel Un volet important du rapport soulève aussi les difficultés de recrutement de personnel auxquelles le MTQ fait face. C'était en 2013, à la suite des recommandations de la Commission Charbonneau que le gouvernement du Parti Libéral du Québec avait mis en branle un plan de renforcement des pratiques du ministère et depuis le 1er octobre 2018 sous la gouverne de la Coalition Avenir Québec, donc, sept ans après il manque toujours 225 ingénieurs et techniciens de travaux publics pour combler les besoins. C’est d’ailleurs ce qui explique une partie des problèmes du MTQ. Si c'est une partie quelle est l'autre? Pour le moment JosPublic cherche réponse à cette question. Faute de pouvoir compter sur toute l’expertise requise à l’interne, le ministère continue sa pratique nocive d'utiliser des firmes d'ingénierie pour faire la surveillance de chantier, qui elles-mêmes ne sont pas assez surveillées par le ministère. Et ces firmes ont tendance à sous-évaluer les coûts. « C'est certain qu'en manquant de personnel, [...] on n’a pas le choix de se tourner vers des firmes », a résumé Mme Leclerc, en conférence de presse. La question de savoir si c'est fait volontairement comme à l'époque de Jean Charest reste à voir. La vérificatrice craint que ces problèmes s’amplifient avec l’accélération des projets d’infrastructure annoncée par le gouvernement.
« Est-ce que le risque zéro existe? », s’est questionné le ministre en entrevue avec Benoit Dutrizac sur QUB radio, le 5 juin 2020. Le député de Granby a soutenu que le Québec «n’était pas à l’abri» des entrepreneurs malhonnêtes, mais que son ministère faisait «tout, tout, tout en son pouvoir» pour «s’assurer» de ne pas «se faire F-O-U-R... avec les autres lettres qui manquent». « En 2019, on a atteint près de 90 % de l’objectif d’embauche. Depuis 2011, c’est 50 % de mieux, mais il y a encore beaucoup à faire. » L'élu a ajouté qu’il avait confié la tâche de vérification des coûts à une nouvelle équipe formée en octobre 2019.
Personne ne lui a posé la question de savoir quel plan était sur la table pour combler le manque de main-d'oeuvre avant que la crise du coronavirus change la donne. Le ministère des Transports a certes apporté des améliorations à sa gestion des contrats à la suite de rapports passés, reconnaît la vérificatrice générale. Néanmoins, le ministère des Transports continue de confier à des firmes une part importante des travaux de conception, des plans et devis, de surveillance des chantiers et de contrôle de la qualité des matériaux. La valeur de ces contrats a même augmenté, passant de 129,4 millions$ en 2017-18 à 270,2 millions$ en 2019-20. Dans le cas d’estimation des coûts de travaux faits par des firmes, la valeur de 12 de 15 contrats était sous-évaluée en moyenne de 48 %. Dans un cas, on parle même de 210 %. Même en excluant ce cas, la moyenne des dépassements de coûts était de 33 %. La VG note que l’encadrement exercé par le MTQ auprès des firmes est « insuffisant ». « Pour la majorité des contrats vérifiés, la documentation au dossier ne permet pas de conclure que le ministère a révisé de façon rigoureuse les coûts estimés par les firmes », souligne Guylaine Leclerc. Or, ajoute-t-elle, « le MTQ peine à embaucher le nombre d’ingénieurs et de techniciens des travaux publics prévus dans son plan de renforcement de l’expertise », présenté il y a plus de sept ans. Il n’a toujours pas embauché les 970 personnes promises ; 131 sont toujours vacants (14 % des postes). « Si on considère seulement l’effectif d’ingénieurs et de techniciens des travaux publics, celui-ci a augmenté de 653 (équivalent temps complet), ce qui est grandement inférieur aux 878 déterminés pour ces postes en 2011, soit un écart de 26 % », souligne le rapport. Comble de l’ironie, le ministère s’est vu autoriser en 2019 un ajout de 151 postes supplémentaires jusqu’au 31 mars 2023. Ces postes s’ajoutent à ceux qui n’ont toujours pas été comblés. Dans les directions régionales du ministère, les ressources ont peu augmenté comparativement aux besoins qui avaient été exprimés il y a quatre ans. Elles devaient ajouter 255 personnes, seulement 80 embauches ont été faites. « Il est primordial que ces dernières disposent d’un nombre suffisant de ressources afin d’encadrer adéquatement les contrats, de la planification à la réalisation des travaux », note la Vérificatrice Générale.
Par l’entremise du projet de loi 61 – qu’il souhaite adopter d’ici la fin de la session parlementaire –, le gouvernement Legault entend se donner des pouvoirs exceptionnels durant deux ans pour accélérer 202 projets d’infrastructures partout au Québec. « Ce n’est pas du gaspillage de devancer ces travaux-là, ce sont des travaux qui auraient été faits de toute façon », a lancé le premier ministre lors de sa conférence de presse traditionnelle. Il rappelle que « beaucoup » de projets du secteur privé ont été abandonnés ou reportés en raison de la pandémie de la COVID-19. Avec le projet de loi 61, le gouvernement Legault souhaite accélérer la mise en chantier de projets d’infrastructures publiques, comme des hôpitaux, des maisons des aînés et des projets de transport collectif. « Par contre, on a des étapes qui sont longues entre le moment où l’on décide de faire des infrastructures et le moment où on commence les travaux », a-t-il ajouté. Les partis d’opposition craignent une « explosion des coûts », des passe-droits environnementaux et un grave retour en arrière, avant l’époque de la commission Charbonneau. « Ce que je veux, c’est de bonifier [la pièce législative] avec les trois partis d’opposition pour le bien de l’ensemble des Québécois », a précisé M. Legault. Le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, a aussi bien fait valoir que le projet de loi 61 est une pièce législative qui « est perfectible ». « Ce projet de loi n’est pas une décision du président du Conseil du trésor, c’est une proposition à l’Assemblée nationale. Je l’ai dit plusieurs fois : elle est perfectible. Ce sont des pouvoirs qui sont importants, mais avec l’opposition, on va s’assurer de maintenir des contrepoids qui sont solides, pertinents et efficaces », a-t-il indiqué. Critiques sévères des syndicats
« Est-ce qu’on va se retrouver avec du n’importe quoi, du cheap, un peu partout qui va nous péter au visage dans quelques années ? Si ce projet de loi est si important, pourquoi le faire adopter en toute hâte ? L’Assemblée nationale a déjà siégé durant l’été », a argué M. Boyer. Selon lui, le gouvernement « se donne tous les pouvoirs » pendant deux ans ce qui lui permet de « bafouer les droits fondamentaux ». Pour sa part, la CSN a soutenu que la relance de l’économie ne doit pas se faire selon la « façon rétrograde » envisagée par le gouvernement.
Lundi le 8 juin 2020, l’Association de la construction du Québec, (ACQ), la Coalition contre les retards de paiement (CRP) et l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ) réclament que le gouvernement profite de l’adoption de la pièce législative pour instaurer un « calendrier de paiement obligatoire pour les donneurs d’ouvrage ». La proposition vise les organismes publics, les municipalités, les commissions scolaires et les sociétés d’État, comme Hydro-Québec. Si les entrepreneurs veulent être de la relance, il leur faut des liquidités pour soumissionner sur les projets listés dans le projet de loi 61, a fait valoir l’Association de la construction.
« La Coalition avenir Québec dépose des choses à la dernière minute pour les bulldozers. [Cette fois-ci], il y a trop d’enjeux dans [ce projet de loi] sur le plan démocratique pour qu’il passe comme une lettre à la poste », a dit M. Barrette, précisant qu’il faut des « changements significatifs » pour qu’il soit adopté rapidement. Le Parti libéral promet toutefois sa pleine collaboration au gouvernement et précise qu’il n’a pas l’intention de faire de l’obstruction parlementaire dans le déroulement des travaux. En outre, M. Barrette a prévenu en point de presse contre un « danger pour les contribuables », qui risquent de voir les coûts exploser si l’on n’applique pas scrupuleusement toutes les règles entourant la gestion des projets. Comme les autres partis d’opposition, les libéraux auraient toutefois souhaité entendre en commission la Vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, le Barreau du Québec (BQ) et Me Denis Gallant, ancien procureur en chef adjoint de la commission Charbonneau. Ces derniers ne sont pour l’instant pas inscrits à l’horaire ou ne sont pas disponibles pour s’y présenter avec un si court délai. Vincent Marissal de Québec solidaire conteste aussi l’empressement du gouvernement et se questionne si l’on a besoin d’une telle « arme législative lourde pour relancer l’économie ».
Les partis d’opposition avaient lancé mercredi le 10 juin 2020 un ultimatum au président du Conseil du trésor exigeant qu’il revoie de fond en comble son projet de loi 61 s’il voulait le voir adopté. Christian Dubé a soumis « à l’aube jeudi » une liste de 20 amendements. « J’ai bougé sur toutes les demandes », a affirmé M. Dubé en mêlée de presse. Plus tôt en journée jeudi, sous le feu des critiques, le gouvernement Legault avait largué l’article 50 de son projet de loi qui lui conférait d’énormes pouvoirs discrétionnaires. Il avait aussi fixé une échéance à l’état d’urgence sanitaire et proposé qu’elle soit renouvelée jusqu’au 1er octobre 2020. Ensuite, l’état d’urgence sera renouvelé, au besoin, conformément à la Loi sur la santé publique. Le Barreau du Québec avait entre autres été très sévère sur ce point en commission parlementaire, indiquant que cela risquait « d’affaiblir significativement les contre-pouvoirs d’un état de droit ». La protectrice du citoyen avait, pour sa part, proposé un renouvellement pour un maximum de six mois.
Parmi les propositions du gouvernement, on abandonne l’article 50, qui suscitait de vives inquiétudes chez les organismes de surveillance, comme le Comité de suivi de la commission Charbonneau et le Bureau de l'inspecteur général de la Ville de Montréal. Le gouvernement Legault vient plutôt ajouter des modalités pour accélérer le paiement des organismes publics aux entreprises, comme le réclamaient plusieurs acteurs de l’industrie de la construction. Le gouvernement abandonne aussi l’idée que son Projet de Loi 61 soit en vigueur pour deux ans (après la sanction de la loi) et propose que « cette période intérimaire » dure plutôt une année. Selon Christian Dubé, les amendements proposés « ne dénaturent aucunement le projet de loi ». « Je pense qu’on a fait notre bout de chemin. Je peux vous dire que ç’a été une semaine assez occupée. En même temps, c’est trop important pour ne pas le faire correctement. […] J’avais dit qu’on ferait des ajustements […] maintenant, on est en situation de crise et on a besoin de l’aide de l’opposition », a-t-il ajouté.
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