Revenu Canada a prouvé que la firme de génie-conseil, qui compte parmi ses principaux clients la Ville de Montréal et le ministère des Transports du Québec, qu'elle a réclamé des dépenses fictives au gouvernement grâce à un système de fausses factures.
Le 15 septembre 2011, l'agence a mené une perquisition au siège social du Groupe Séguin experts-conseils (récemment devenu Génius conseil), dans l'objectif de retracer les fonds. Des enquêteurs se sont présentés dans les locaux de la compagnie située sur le boulevard Métropolitain à Pointe-aux-Trembles. La porte-parole Kareen Dionne a toutefois refusé de divulguer le motif qui justifie ces perquisitions.
Trois agents de la GRC en uniforme faisaient le guet dans l'entrée près de quelques boîtes. Au moins 10 enquêteurs de Revenu Canada ont passé la journée à l'intérieur des locaux de l'entreprise. Des ordinateurs d'employés ont été fouillés.
Selon nos informations, la perquisition n'est pas liée à l'escouade Marteau de la Sûreté du Québec, chargée d'enquêter sur la collusion et la corruption dans le milieu de la construction.
Selon le mandat de perquisition, que La Presse a consulté, le Groupe Séguin experts-conseils aurait réclamé des dépenses fictives de 165 000$ grâce à un «stratagème» de «fausses factures» durant l'année financière 2009.
Dans sa déclaration sous serment, l'enquêteur René Boudreau, du programme d'enquêtes criminelles de l'Agence du revenu du Canada, affirme que sept actionnaires de l'entreprise de l'époque, dont l'actuel PDG, Michel Lalonde, et le fondateur de l'entreprise, René Séguin, se sont approprié une somme totale de 150 000$, qui n'a pas été inscrite dans leurs déclarations de revenus. L'affaire fait l'objet d'une enquête et ces faits n'ont pas encore été prouvés devant la cour. |
Revenu Canada aurait été mis au parfum du stratagème à la suite d'un audit réalisé au siège social de l'entreprise, boulevard Métropolitain Est, entre août et septembre 2010. Au cours de l'examen, la fonctionnaire chargée du processus de vérification a demandé au directeur de l'administration et des finances, Serge Desmarais, de lui fournir davantage d'informations sur quatre de ses fournisseurs: ASL Entrepreneur général, Réno-Brix, Multi-Rénovations et Magna Marketing inc., pour des dépenses réclamées totalisant 186 327$.
Lors d'une rencontre de suivi, le 13 septembre 2010, Desmarais aurait admis à la fonctionnaire que six actionnaires de l'entreprise avaient consenti à ce stratagème afin de diminuer les passifs d'impôts de la société.
Il aurait par ailleurs révélé qu'une «commission» de 36 327$ a été payée à une personne non identifiée afin qu'elle fournisse les factures. Le reste de la somme, 150 000$, aurait été redistribué également entre six actionnaires de l'entreprise, dont lui-même. Les cinq autres actionnaires cités sont Michel Lalonde, Yvan Côté, Gino Lanni, Alain Deroy et André Prieur. Selon le site web de Génius, ils travaillent toujours pour la firme. Il ne nomme pas le fondateur de la société, René Séguin.
Le responsable de la propagande de Génius, Philippe Malo, a indiqué qu'il n'avait «pas de commentaires» à faire sur le dossier.
Entreprises fictives
Selon l'investigation de l'enquêteur Boudreau, les quatre fournisseurs ont produit les fausses factures sont tous enregistrés à l'adresse commerciale 2348, rue Lucerne, à Montréal.
Son étude des six factures produites par les quatre entreprises révèle que la mise en page, le format et les polices utilisées sont les mêmes.
Dans le cas de Réno-Brix, les factures détaillent des travaux de réparation sur le bâtiment appartenant au Groupe Séguin et l'installation d'une nouvelle enseigne.
Or, des recherches dans des bases de données sur les déclarations fiscales des entreprises ont permis à l'enquêteur de déterminer que les activités commerciales déclarées par Réno-Brix sont des activités de buanderie. Il a découvert que l'actionnaire principal de l'entreprise est une société à numéro enregistrée comme une entreprise qui travaille dans la vente de vêtements.
Le président des deux sociétés serait Bernard Ratelle, reconnu coupable d'une fraude fiscale en 2008. Selon une requête produite à la Cour supérieure en octobre 2010, Revenu Québec le soupçonne d'être mêlé à une fraude fiscale de 118 millions de dollars, également dans une affaire de fausses factures.
«Facture fictive»
Pour ce qui est des trois autres sociétés, l'enquêteur écrit qu'il a des «motifs raisonnables de croire» que les entreprises n'offrent pas de services réels et qu'elles sont utilisées à des fins frauduleuses pour permettre à des tiers de réduire leurs impôts.