Même s'il a été arrêté pour corruption au moment où il était titulaire du controversé contrat de déneigement de Mascouche, l'entrepreneur Normand Trudel continue, grâce à son fils, de bénéficier indirectement des fonds municipaux destinés à l'enlèvement de la neige.
Simon Trudel a pris la relève de son père et s'est engagé à le payer pour l'utilisation de ses équipements. |
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Normand Trudel | |
Selon des documents de soumission obtenus par La Presse, Simon Trudel s'est engagé en juin 2012 à payer près de 16 000$ par mois à l'entreprise de son père Normand, en échange de la location de camions et souffleuses qui ont été nécessaires pour remporter un contrat de déneigement local d'une durée de trois ans.
Rappelons qu'en 2011, La Presse avait révélé comment
Transport Excavation Mascouche TEM, l'entreprise de Normand Trudel, facturait jusqu'à 65 fois plus que le prix courant pour déneiger les bornes d'incendie de Mascouche. ( 08 )
En avril 2012, l'escouade Marteau a arrêté Normand Trudel pour fraude, abus de confiance et versement de pots-de-vin visant l'obtention de contrats municipaux. L'entreprise TEM a également été accusée au criminel.
Depuis, la Ville de Mascouche a confié le déneigement des bornes d'incendie à ses cols bleus, mais cherchait tout de même de nouveaux entrepreneurs pour déneiger les voies publiques. Le territoire a été divisé en cinq zones et les entreprises ont été invitées à soumissionner pour chacune d'elles.
L'un des critères de sélection était l'expérience des firmes. Dans la zone 5, la firme Neigexpert, qui possède pourtant plusieurs années d'expérience en déneigement à Montréal et à Laval, aurait été disqualifiée sur la base de ce critère. «L'information qu'on a eue, c'est qu'on l'excluait parce qu'elle n'avait pas assez d'expérience», explique le conseiller municipal Jacques Tremblay.
Contrat de 3,8 millions
Dans la zone 2, l'une des plus payantes, un seul soumissionnaire était en lice: une toute nouvelle entreprise nommée Construction Axika. Axika a été créée le 30 avril 2012, deux semaines seulement après l'arrestation de Normand Trudel. Elle est dirigée par son fils, Simon Trudel. Elle loge à la même adresse et utilise le même numéro de téléphone que TEM, l'entreprise du père. |
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À première vue, la toute jeune Axika semblait avoir encore moins d'expérience que Neigexpert. Mais Axika a plaidé que ses employés et ses dirigeants ont acquis leur savoir-faire en travaillant pour TEM pendant des années, avant qu'elle ne soit accusée au criminel.
Le conseil municipal lui a donc attribué le contrat, d'une valeur de 3,8 millions pour trois ans.
Joint par La Presse, Simon Trudel s'est dit indépendant de TEM. «Ça reste que c'est mon père, oui, mais j'ai ma compagnie à moi, ce n'est pas la même compagnie», a-t-il souligné. |
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Interrogé sur les documents du contrat qui parlent d'un versement mensuel d'environ 16 000$ à son père, il a contredit sa propre soumission. «J'ai mes camions, je les ai achetés», a-t-il assuré, avant de mettre fin à la conversation.
L'opposition municipale, elle, trouve étrange qu'une entreprise ait été exclue pour manque d'expérience malgré ses années de service à Montréal, alors qu'Axica a pu se qualifier en utilisant à son compte l'expérience de TEM, une entreprise distincte.
«Comment se fait-il qu'on accorde de l'expérience à Axica alors que l'expérience concerne des contrats réalisés par une autre entreprise? C'est un contrat important pour la population et on attend toujours des réponses de l'administration en place», a déclaré Stéphane Handfield, chef du parti d'opposition Vision démocratique de Mascouche.
Le directeur général de la Ville n'était pas disponible pour commenter le dossier, hier. Une porte-parole nous a envoyé un communiqué dans lequel la Ville se félicite d'une diminution de 12% des coûts de déneigement à partir de cette année.
L'homme d'affaires
Normand Trudel, coaccusé de Tony Accurso
( 01 ) et du maire de Mascouche, Richard Marcotte
( 02 )à la suite d'une enquête de l'escouade Marteau
( 03 ), se dit victime d'une «chasse aux sorcières» qui lui a fait perdre 6 millions $ en contrats, en plus de le transformer en paria dans
le milieu de la construction.
Si ces pertes devaient être prouvées en cour, elles démontreraient que les reportages sur la collusion et
la corruption ont eu un immense impact sur le marché de la
banlieue nord de Montréal.
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Le propriétaire de la firme Transport et Excavation Mascouche
( 04 )détaille ses déboires dans de nouveaux documents judiciaires datés du 24 mai
2012.
Les documents ont été rédigés dans le cadre de sa poursuite en diffamation contre Stéphane Handfield, chef
du parti de l'opposition à Mascouche. Il déplore que ce dernier l'ait associé à un système «semblable à celui des commandites» et l'ait accusé de
s'enrichir «en restant assis sur ses fesses» dans une entrevue à la radio. |
Ces propos faisaient suite à un reportage de l'émission Enquête, sur les ondes de Radio-Canada, à propos de la
promiscuité
entre
le
maire
et
l'entrepreneur,
ainsi
qu'un
article
du
journal
de
Gesca
inc.
(La
Presse)
sur
le
contrat
du
déneigement
des
bornes
d'incendie
de
Mascouche,
facturé
65
fois
plus
cher
qu'ailleurs.
Normand
Trudel
déplore
que
les
propos
de
M.
Handfield
le
présentent
comme
«un
criminel
ayant
comploté,
manigancé
et
fraudé
la
municipalité
de
Mascouche». |
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Tony Accurso traite bien ses complices dont Normand Trudel |
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M.
Trudel,
qui
a
été
accusé
de
fraude,
de
versements
de
pots-de-vin
et
d'abus
de
confiance
après
le
dépôt
de
sa
poursuite
en
diffamation,
ne
fait
pas
référence
à
son
arrestation
dans
les
nouveaux
documents.
Il
aurait
perdu
2
millions
$
dans
le
projet
de
l'hôtel Impéria
de
Terrebonne,
ainsi
qu'une
somme
liée
à la
vente
prévue
du
terrain
pour
construire
cet
hôtel. Il
aurait
aussi
perdu
1
million
$
en
lien
avec
le
projet
de
patinoires
extérieures
Custom Ice,
ainsi
que
2
millions
$ en
lien
avec
sa
société Écolosol.
( 06
)
Il
affirme
que
son
entreprise
n'est
plus
invitée
à
soumissionner
à
divers
projets
municipaux,
n'obtient
plus
de
contrats
de
gré
à
gré
dans
la
région,
fait
face
à
des
exigences
plus
sévères
dans
l'exécution
de
ses
travaux,
voit
ses
comptes
fermés
chez
divers
fournisseurs
et
peine
à
obtenir
crédit,
cautionnements
et
assurances.
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Le système de Mascouche... collusions et menaces |
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L'escouade Marteau doit une fière chandelle à un agent infiltré civil qu'elle a envoyé en mission secrète au coeur du «système Mascouche». Grâce à son aide, elle a pu arrêter le magnat de la construction Tony Accurso et relier le maire Richard Marcotte à un vaste stratagème de corruption.
Les policiers du bras armé de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) ont exécuté 8 perquisitions et 14 mandats d'arrêt dans le cadre du projet Gravier.
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Outre Tony Accurso, les policiers ont arrêté Normand Trudel, propriétaire de la firme Transport et Excavation Mascouche et ancien associé de M. Accurso dans la firme de décontamination Écolosol. Les deux sont notamment accusés de fraude, de complot et d'abus de confiance.
Plusieurs autres données statistiques sont dignes d'intérêt.
Par exemple, la firme Transport et Excavation Mascouche de Normand Trudel obtient un score de huit contrats obtenus sur 24 soumissions déposées, soit le tiers. La valeur des 8 contrats de Normand Trudel atteint environ 27 millions $ (sans inclure les sommes de déneigement payées ou à payer en 2011 et 2012) sur un total potentiel d'environ 42 millions $ si l'on additionne les contrats pour lesquels sa firme a soumissionné. Il empoche donc les deux tiers de la somme totale payée par la Ville entre 2007 et 2010 en contrats de construction ou de déneigement. Les firmes Gauvreau et fils ainsi que CJRB, de Terrebonne, complètent ce top 3.
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En mai 2011, le député péquiste de Masson, Guillaume Tremblay, a rencontré les enquêteurs de la Sûreté du Québec et porté plainte à la suite d'une altercation survenue dans un restaurant de Mascouche, a indiqué le Parti québécois dans un communiqué, hier.
M. Tremblay, 27 ans, s'est présenté jeudi soir dernier au restaurant Boston Pizza, situé sur la montée Masson, à Mascouche, une ville de 34 000 habitants en banlieue est de Montréal, dans la circonscription de Masson.
| Il était accompagné de membres de sa famille et d'un ami. Selon un témoignage recueilli par La Presse, deux hommes qui étaient assis à l'intérieur du restaurant en compagnie du maire de Mascouche, Richard Marcotte, se sont approchés de M. Tremblay et l'auraient bousculé.
Le jeune député se trouvait alors à l'extérieur du restaurant, sur la terrasse. Ces deux hommes auraient dit sur un ton menaçant à M. Tremblay qu'il n'était pas le bienvenu, selon le même témoignage. M. Tremblay est quand même entré dans le restaurant avec les personnes qui l'accompagnaient et s'y est assis pour prendre un repas.
Dans son communiqué, le PQ affirme que «M. Tremblay a été intimidé et menacé par deux individus qui seraient liés au milieu de la construction». Joint au téléphone, le député a refusé de nous donner des détails. Il nous a été impossible de savoir qui étaient ces deux «individus».
Un maire surveillé
Ce n'est pas la première fois que M. Tremblay affirme avoir été l'objet d'une tentative d'intimidation. En novembre 2011, il a déclaré à l'émission Enquête, de Radio-Canada, que Normand Trudel, homme d'affaires de Mascouche proche du maire Marcotte, avait tenu à son égard des propos menaçants.
M. Trudel lui aurait dit:
«J'pense que tu sais pas vraiment à qui tu parles. J'vais m'arranger pour que tu te souviennes de moi.»
M. Trudel lui aurait donné l'exemple du maire Richard Marcotte, qui se serait rendu loin «parce qu'il travaille avec [lui]».
Dénoncé à l'escouade Marteau, un entrepreneur se défend
En novembre 2011, dénoncé à l'escouade Marteau pour intimidation, un entrepreneur en construction se défend d'avoir voulu faire peur à une conseillère municipale de Mascouche qui venait de voter contre un projet de 1 million de dollars sur lequel il travaille.
«Je ne ferais pas de mal à une mouche», s'est offusqué l'entrepreneur Salvatore Pinella. |
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Siège social de TEM |
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«J'aimerais que tu fermes les yeux sur les contrats qui vont passer à la Ville de Mascouche. Laisse-les passer pour ton bien»
, aurait dit l'entrepreneur, en ajoutant que lorsque son collègue, le conseiller Jacques Tremblay, et elle votaient contre certains projets, «
c'est pas juste l'entrepreneur que ça dérange, c'est tous ceux qu'il y a derrière lui».
Lise Gagnon affirme s'être sentie «nerveuse» et avoir tout raconté à l'escouade Marteau.
Quelques jours plus tôt, à la réunion du conseil municipal, Mme Gagnon et Jacques Tremblay avaient voté contre l'attribution d'un contrat de voirie de 927 789$ à Transport et Excavation Mascouche, propriété de l'entrepreneur Normand Trudel. Le projet a, malgré tout, été approuvé à la majorité. |
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Lise Gagnon |
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L'entrepreneur qui a rencontré Mme Gagnon est Salvatore Pinella, qui collabore avec Normand Trudel sur ce projet. Il nie que sa rencontre au restaurant soit liée à ce contrat.
«Je connais Mme Gagnon depuis longtemps. Je l'ai rencontrée parce que je voulais lui souhaiter bonne fête. C'est tout. Ne vous inquiétez pas!
», dit-il.
Il a été impossible de joindre Normand Trudel hier. «Je n'ai pas l'intention de médiatiser plus cette affaire», a dit pour sa part Lise Gagnon dans un message. «Toute menace est inacceptable. Mais je ne peux pas savoir si c'est arrivé pour vrai parce qu'elle (Lise Gagnon) ne me parle jamais. Elle est dans l'opposition et elle se présente contre tous les projets», a réagi le maire de Mascouche, Richard Marcotte.
Mascouche: Normand Trudel s'en prend à un conseiller
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Normand Trudel | |
Novembre 2011, les contrats accordés par la Ville de Mascouche à la firme de construction de Normand Trudel continuent de créer des vagues judiciaires. Dernier rebondissement, une mise en demeure adressée par Transport et Excavation Mascouche (TEM) au conseiller municipal Jacques Tremblay pour le sommer de cesser de «jouer le rôle de justicier».Le 17 octobre 2011, les conseillers de Mascouche Lise Gagnon et Jacques Tremblay ont été les seuls à s'opposer, au cours d'une séance du conseil, à l'attribution d'un contrat de 927 000$ à TEM.
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M. Tremblay s'est justifié en arguant notamment que cette firme fait l'objet d'une enquête de la Sûreté du Québec. «Il est d'ailleurs assez surprenant que les services policiers vous divulguent des informations sur des enquêtes en cours», écrit l'avocat de Normand Trudel, Michel Savonitto, dans sa mise en demeure. On reproche aussi à Jacques Tremblay sa «méconnaissance des enjeux juridiques existants» pour avoir évoqué «la possible illégalité d'octroyer un contrat à une firme» qui fait l'objet d'une enquête.
Il est aussi «sommé de cesser de faire courir des rumeurs [...] et de [s']en tenir à
[son] rôle de conseiller municipal».
Par voie de communiqué, Jacques Tremblay a répliqué que cette mise en demeure «vise à le museler dans l'exercice de ses fonctions». «M. Trudel, dit-il, doit accepter que je bénéficie du droit ou non d'appuyer les résolutions présentées au conseil.»
Le conseiller estime «légitime de faire preuve de prudence» lorsqu'il s'agit «de l'argent des contribuables».
Normand Trudel est au coeur de la controverse qui secoue la ville de Mascouche et son maire Richard Marcotte. En 10 ans, ses entreprises ont récolté pour près de 40 millions de dollars de contrats auprès de la municipalité. En 2008, le site d'enfouissement de sols contaminés de la firme Ecolosol, dont il était co-propriétaire, comptait parmi ses principaux clients le ministère des Transports du Québec.
On savait déjà qu'au printemps 2008, Normand Trudel avait organisé un cocktail-bénéfice au profit du Parti libéral du Québec dans sa maison de Terrebonne. L'événement, où l'invité d'honneur était Jean Charest, avait permis de collecter plus de 100 000 $ pour le parti libéral.
Or, on apprend aujourd'hui que cette même année, 12 employés et associés de Normand Trudel ont contribué à la caisse du PLQ. Certains d'entre eux ont versé la contribution maximale permise, soit 3000 $. |

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Jean Charest, premier ministre du Québec |
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Au total, leurs dons et celui de Normand Trudel totalisaient près de 23 000 $.
Des contributions moins importantes ont aussi été faites à d'autres partis provinciaux. Quatre employés et Normand Trudel ont donné au total 3500 $ au Parti québécois en 2008, tandis que l'ADQ a reçu 2800 $ de Normand Trudel uniquement.
Au parti libéral, on reconnaît le rôle joué par Normand Trudel pour le financement du parti. « Toute personne qui vend des billets de financement pour le parti libéral doit avoir un certificat de solliciteur, ce qui était le cas pour M. Trudel en 2008. L'argent qui rentre au parti est toujours en tout point conforme à toutes les dispositions de la loi électorale.»
Les 15 personnes arrêtées, le 17 avril 2012, dans le cadre d'une opération de l'Unité permanente anticorruption à Mascouche, ont toutes fait d'importantes contributions aux partis politiques.
La plupart ont contribué au Parti libéral (PLQ), mais aussi, dans une moindre mesure, au Parti québécois (PQ) et même à l'Action démocratique du Québec (ADQ). Mais après neuf années de règne libéral, leurs contributions au PLQ depuis l'an 2000 sont largement tombées.
Richard Marcotte maire de Mascouche:
PLQ 3600$ sur six ans.
Normand Trudel président de Transport et Excavation Mascouche:
PLQ 19 500$
PQ 19 150$
ADQ 5800$
depuis 12 ans.
Sylvie Chassé de Modules Jeutem inc. a donné
PLQ 7200$
PQ 9600$
André De Maisonneuve associé chez BPR Triax, a fait cinq dons, pour un total de
PLQ 7500$
PQ 1900$
Rosaire Fontaine ingénieur de BPR Triax,
PLQ 17 000$
Jacques Audette
PLQ 4650$
ADQ 500$
Gaétan Biancamano
PLQ 5000$
ADQ 2000$
PQ 750$
Claude Duchesne
PLQ 5500$
Serge Duplessis
PLQ 16 000$
PQ 6150$
Pierre Lamarche
PLQ 14 000$
PQ 400$
ADQ 400$
Jean Leroux
PLQ 24 800$
PQ 8700$
ADQ 2500$
Pierre Raymond
Louis-George Boudreault organisateur libéral,
PLQ 5300$ |
«Ça implique des chèques personnels, des dons personnels. Au-delà de ça, on ne demande pas aux gens où ils travaillent [ou] l'adresse de leur employeur, ce que les nouvelles législations du Québec permettront de faire d'ailleurs » explique Michel Rochette, le directeur des communications du PLQ.
En 2007, le nom d'un employé de Normand Trudel figure aussi sur les listes de dons au PLQ. Étrangement, il indique habiter au 3280 Blériot, soit l'adresse de Transport et Excavation Mascouche, l'entreprise principale de l'homme d'affaires.
En 2009, l'entrepreneur Normand Trudel, a une adresse rue Camus, à Mascouche. Or, cette adresse n'existe pas dans les registres fonciers de la ville. Le code postal indiqué correspond à la rue d'Auvergne, à Mascouche.
Les coordonnées de la rue Camus sont celles de la résidence de l'entrepreneur à Terrebonne. Cette vraie adresse est celle qui figure dans les listes du DGE des donateurs à l'ex-parti du maire de Terrebonne, Jean-Marc Robitaille (1000$ en 2009), au Parti libéral du Québec (3000$ en 2009) et au Parti québécois (1500$).
Au bureau du Directeur général des élections, Cynthia Gagnon rappelle qu'il faut être soit domicilié dans la ville où l'on fait un don, soit y être propriétaire d'un immeuble ou d'une entreprise.
La firme de M. Trudel, Transport et excavation Mascouche, est située à Mascouche. Il a donc le droit de contribuer, en tant qu'individu et non pas au nom de son entreprise, à la fois à Terrebonne et Mascouche.
Nous avons joint Normand Quintin, représentant officiel du parti. Celui-ci a la responsabilité de transmettre des renseignements exacts au DGE.
«Je ne sais pas d'où vient cette erreur, a-t-il dit, étonné. Je me fie aux chèques que je reçois. Mon mandat n'est pas de vérifier l'adresse ni d'enquêter.
» Généreux donateurs
La liste des donateurs à l'ex-parti du maire Marcotte en 2009, compte 50 noms. Première particularité, 47 d'entre eux, dont Normand Trudel, ont donné 1000$, le maximum autorisé au municipal.
Plusieurs autres faits saillants sont à signaler. L'année 2009 a été la plus fructueuse puisque l'ex-parti du maire a récolté 48 500$, comparativement à 3800 $ en 2007 et à 5000 $ en 2006.
Normal, plaide M. Quintin: «Claude Lachapelle (actuel chef de cabinet du maire) a fait de la sollicitation à temps plein.»
Toujours en 2009, les trois donateurs qui n'ont pas versé 1000$ ont tous donné 500$. Un portrait qui ne ressemble en rien à ce que l'on peut observer les années précédentes, alors que les dons varient de 100 à 1000$.
On remarque jusqu'à quatre donateurs à la même adresse, soit des familles entières. C'est le cas de celles de Normand Quintin (3000$) ou de Martine Soucy, l'ex-directrice générale de la Fondation Richard-Marcotte (4000$).
La femme de Richard Provencher, qui a obtenu en 2007 un contrat d'avocat de la Ville à la cour municipale (400$ par séance plus 100$ l'heure), a donné 1000$.
Les parents de Normand Trudel, qui résident dans une maison de retraite, ont donné 2000$, tout comme sa secrétaire (qui a de plus donné 1500$ au PLQ et 1000$ au PQ) et son conjoint.
Enquêtes du DGE
Cynthia Gagnon, porte-parole du DGE, a indiqué que son organisme a décidé de vérifier les rapports financiers 2009 du Ralliement Mascouche dès qu'ils ont été produits, en avril 2010. Cela inclut une étude des dons reçus.
Normand Quintin dit avoir été longuement interrogé par le DGE et par les policiers de l'escouade Marteau. Ces derniers l'auraient questionné sur la maison du maire, les prête-noms, les enveloppes brunes, Normand Trudel, etc. M. Quintin n'est plus représentant du parti. «
J'ai démissionné», dit-il. |
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Dépotoir de terres contaminées à Mascouche |
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Lors de sa création en 2006,
Écolosol
a pu en toute légalité obtenir son permis du ministère de l'Environnement sans se soumettre au processus d'audiences publiques, parce que la société ne demandait pas d'enfouir les sols les plus contaminés.
«À l'époque, on avait fait une étude de marché basée sur des sols de critère C et moins, mais par la suite on s'est rendu compte qu'on devait refuser des chargements qui dépassaient le critère C, explique Marie-Julie Archambault, directrice d'Écolosol. C'est pourquoi on demande un changement à notre certificat d'autorisation.
»
De son côté, Serge Hamelin, candidat à la mairie de Mascouche de l'époque, affirme que le changement de zonage municipal qui avait ouvert la porte à Écolosol était passé inaperçu, en 2006. «On avait deux candidats de notre parti qui siégeaient au conseil municipal de Mascouche, mais on ne l'a pas vu passer», dit-il.
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Le maire de Mascouche Richard Marcotte reconnaît ses liens avec M. Trudel. «Je le connais depuis 1983», dit-il. M. Trudel était administrateur de la Fondation Richard Marcotte, qui donne des bourses aux jeunes artistes et sportifs. Mais le maire nie toute ingérence de M. Trudel dans les décisions de la Ville. «Les changements de zonage ont été faits en tout respect des normes», dit-il.
Le dépotoir d'Écolosol partirait avec une longueur d'avance pour traiter 150 000 mètres cubes de terres contaminées qui sont déjà sur place et qui sont la responsabilité du gouvernement du Québec. Cet héritage date des années 60 et 70, quand le terrain appartenait à la compagnie «Le Vidangeur de Montréal» et recevait les déchets des raffineries de l'est de Montréal. Le terrain a été abandonné en 1974. |
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En 1984, le ministère de l'Environnement juge qu'il présente un potentiel de risque élevé pour la santé publique et la qualité de l'environnement et prend dans les années qui suivent une série de mesures temporaires pour confiner la pollution.
Il n'y a aucune entente entre le gouvernement et Écolosol pour traiter ces 150 000 mètres cubes. Au tarif pratiqué en Amérique du Nord, ce contrat pourrait rapporter 15 millions ($ de 2009).
Dans son étude d'impacts, Écolosol souligne l'avantage financier et environnemental que représenterait le traitement sur place de ces sols. Mais la capacité du dépotoir proposé dépasse largement ce seul contrat potentiel.
Au total, Écolosol propose d'accueillir 668 000 mètres cubes et exploiterait le lieu pendant environ huit ans. Le fond de cellule d'enfouissement serait recouvert d'une membrane étanche et ses eaux d'écoulement seraient traitées sur place dans des équipements existants. À la fin de sa vie utile, le dépotoir formera une pyramide tronquée de 14 mètres de haut sur 40 hectares. Il est prévu de le recouvrir d'une seconde membrane étanche et de terre pour permettre d'y semer de la végétation. Selon le promoteur, le seul impact négatif du projet sera visuel.
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Le maire de Mascouche, Richard Marcotte, appuie le projet.
«C'est un terrain qui a de l'histoire! dit-il. Nous avons voulu y concentrer les activités environnementales. On y a mis les étangs aérés du système d'égouts de Mascouche et Terrebonne ainsi que le dépôt à neige. On espère maintenant avoir une solution permanente à la question des sols contaminés.» |
L
es audiences du BAPE retardées pour protéger le maire ?
Le délai anormalement long que met la ministre Line Beauchamp à lancer les audiences publiques au sujet du site d'enfouissement de terres contaminées d'Écolosol à Mascouche s'explique par sa volonté de ménager le maire Richard Marcotte, lui-même ancien candidat du parti libéral.
C'est l'accusation lancée par Serge Hamelin, qui se présente à la mairie de Mascouche. M. Hamelin souligne par ailleurs que Normand Trudel, propriétaire d'Écolosol avec l'homme d'affaires Tony Accurso, est un ami de M. Marcotte et aussi un important donateur du Parti libéral du Québec.
«
La ministre a tout en main depuis le mois de mai pour annoncer des audiences publiques, dit M. Hamelin. Dans tous les autres cas, il faut une quarantaine de jours pour annoncer des audiences publiques. Là, ça fait quatre mois!»
De son côté, Normand Trudel
reconnaît en entrevue à La Presse avoir fait remarquer à la ministre Beauchamp qu'il ne serait pas opportun, selon lui, que les audiences publiques se déroulent pendant la campagne électorale municipale.
«J'ai écrit une lettre à la ministre à la fin juin, a-t-il dit.
On voulait savoir s'il y aurait audiences et on lui a dit qu'il fallait qu'elle tienne compte du fait qu'il y aurait des élections le 1er novembre.»
M. Trudel a ajouté que déjà, lors de la séance d'information du mois de mars, la demande d'Écolosol intéressait les candidats de l'opposition à Mascouche. «Quand on voit cinq candidats au poste de conseiller qui monopolisent le micro, on se disait qu'il ne faudrait pas que ça devienne un enjeu électoral, a-t-il dit. Le BAPE, c'est un processus sérieux.»
De son côté, le maire Marcotte nie avoir fait des pressions ou qu'on en ait fait en son nom. «Ceux qui prétendent ça vivent dans des hallucinations, a-t-il déclaré. «Il n'y a eu aucune intervention de moi ou de mes fonctionnaires pour faire reporter ces choses-là. La seule intervention qui a été faite a été pour accélérer le développement du train.»
M. Marcotte ne nie pas ses liens avec M. Trudel. Mais ce dernier ne siège plus comme administrateur à sa fondation, qui encourage les jeunes sportifs.
Dans un premier temps la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Mme Beauchamp, a fait répondre par ses attachés de presse que le dossier était toujours à l'étude. Plus tard c'était une autre réponse, «monsieur Trudel n'était pas disponible durant la période et en aucun temps, des considérations d'ordre partisan ou encore reliées à des élections municipales n'interviennent dans mes décisions», a assuré la ministre Beauchamp.
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Fin avril 2012, deux entrepreneurs accusés d'avoir versé des pots-de-vin à Mascouche sont toujours inscrits comme lobbyistes pour tenter d'obtenir des contrats dans 16 autres villes.
Alors qu'à Montréal, l'administration Tremblay ne veut plus rien savoir d'eux, l'Association québécoise des lobbyistes invite toutes les municipalités à se pencher sur la question au plus vite. |
Normand Trudel et Sylvie Chassé, deux dirigeants de Transport et Excavation Mascouche et de Modules Jeutem, ont été arrêtés par l'escouade Marteau, bras armé de l'Unité permanente anticorruption. Ils sont notamment accusés d'avoir versé des pots-de-vin au maire Richard Marcotte en échange de contrats municipaux.
Tous deux figurent au Registre des lobbyistes du Québec depuis décembre 2011. Ils ont le mandat de faire des représentations pour leur entreprise «auprès de toutes les municipalités du Québec». Ils citent en particulier 17 municipalités, dont Mascouche, Terrebonne, Montréal, Laval, Longueuil, Saint-Jérôme et Repentigny.
Égouts, déneigement, réseaux d'eau
Leur but est d'intervenir auprès des titulaires de charges publiques dans le but d'obtenir des contrats relatifs au mobilier urbain, aux équipements de parcs, aux égouts, aux réseaux d'eau, à l'aménagement paysager et au déneigement.
Pour le moment, la porte-parole du Commissaire au lobbyisme, Louise-Andrée Moisan, affirme que son organisme n'a pas l'intention de se mêler du dossier.
Mais l'Association québécoise des lobbyistes, un regroupement de professionnels qui se fait le chien de garde de l'éthique en la matière, croit que des vérifications s'imposent.
«C'est certainement préoccupant. Ça ne veut pas dire que les gens utilisent les mêmes techniques partout. Mais à partir du moment où on constate une situation quelque part, des vérifications diligentes sont de mise dans les autres endroits», affirme le président, Étienne Couture.
Sans vouloir commenter le cas particulier de Normand Trudel et de Sylvie Chassé, il affirme que des lobbyistes qui verseraient des pots-de-vin feraient mal à l'image de la profession. «Quelqu'un qui ne respecte pas les lois ne va faire un bon profil à personne», dit-il.
Montréal ne veut plus les voir
Premier à réagir, le cabinet du maire de Montréal a indiqué à La Presse hier que le comité exécutif ne souhaite pas voir des accusés tourner autour de ses élus et de ses fonctionnaires.
«On n'est pas obligés de faire affaire avec les gens qui sont accusés», martèle la porte-parole Martine Painchaud.
«Dans une perspective où nous ne voulons pas faire affaire avec ces gens, qui sont innocents jusqu'à preuve du contraire, nous avons demandé un avis au contentieux pour comprendre les implications juridiques de cette décision politique», dit-elle.
De son côté, le cabinet de la mairesse de Longueuil, Caroline St-Hilaire, s'est contenté de préciser que les deux entrepreneurs n'ont reçu aucun contrat au cours des dernières années. À Terrebonne, le porte-parole de la Ville refuse de commenter le dossier. À Laval, la direction des communications devait valider certains renseignements avant de répondre.
Selon l’entrepreneur Richard Tessier, les liens étaient tissés très serrés entre le maire et son
entourage, dont Normand Trudel, Daniel Bélec et Jean Leroux, « ainsi qu’un grand monsieur qui travaille dans le domaine de la récupération ».
« Ils étaient tous si proches
qu’ils s’embrassaient lorsqu’ils se voyaient. Richard Tessier ajoute qu’il se tenait loin de ces gens qui lui faisaient peur et lui faisaient penser
à une petite mafia », ont noté les policiers.
Impressionnante cave à vin
Dans les mois précédant l'arrestation du chef de cabinet Daniel Bélec, les policiers de l’UPAC ont obtenu un mandat de perquisition pour réaliser l’inventaire de la cave à vin au sous-sol de sa
luxueuse résidence.
Un expert de la SAQ les a même aidés à évaluer la valeur de la collection.
Une perquisition précédente avait permis d’estimer que 300 à 400 bouteilles se trouvaient sur place, datées entre 1993 et 2002.
La police se demandait si certaines bouteilles constituaient un « bien infractionnel ».
Un des entrepreneurs a d’ailleurs affirmé à la police avoir remis en cadeau deux caisses de vin (qui contiennent chacune 12 bouteilles). Une pour Bélec, l’autre pour l’ex-maire
Robitaille.
12 voyages à Las Vegas
Selon la police, l’ex-directeur général de la Ville de Terrebonne Luc Papillon et sa conjointe auraient fait 12 voyages à Las Vegas, un à Punta Cana et un à Fort Lauderdale en compagnie
d’entrepreneurs qui faisaient affaire avec la Ville, entre 2004 et 2012.
L’ ancien maire Jean-Marc Robitaille n’était pas en reste. Sa conjointe et lui auraient bénéficié de plusieurs voyages payés par des entrepreneurs entre 2003 et 2009.
« Ces voyages ont été payés initialement par des entrepreneurs ayant obtenu de nombreux contrats avec la Ville de Terrebonne », selon les enquêteurs. |
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L'Agence de presse QMI révélait en 2016 que Jean-Marc Robitaille et ses proches auraient fait des voyages dans des pourvoiries aux frais d’entrepreneurs. À la lecture des nouveaux
documents de la police, on apprend que ces séjours valaient une fortune.
Rémi Harvey, gérant chez Pourvoyeurs de la rivière Delay, a affirmé aux policiers que les forfaits coûtaient à l’époque entre 1200 et 1400 $ par jour, par personne.
L’endroit, un véritable paradis de la pêche au saumon, est situé dans la
région du Nunavik et n’est accessible que par avion. Au total, une dizaine de voyages de pêche au saumon auraient été organisés entre 2003 et 2012.
En 2003, le chef de cabinet Daniel Bélec aurait utilisé une mouche à saumon si efficace que cet appât a été
surnommé « la Bélec spéciale » par les autres membres de l’expédition. L’année suivante, tous les participants s’étaient munis d’une « Bélec spéciale » dans
leur coffre de pêche, a raconté un témoin aux policiers.
Piscine sur le bras d’un entrepreneur
Le développeur immobilier Éric Duchainea affirmé aux policiers que le conseiller municipal
Michel Morin lui avait demandé d’effectuer gratuitement l’excavation de la piscine creusée chez la fille de celui-ci.
Il a accepté.
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Ce même Éric Duchaine a aussi avoué avoir payé un voyage aux îles Seychelles pour Michel Morin, l’ex-DG de la Ville Denis Lévesque
et l’entrepreneur Normand Trudel, ainsi que leurs conjointes. Le voyage a coûté 35 000 $.
Mais la générosité d’Éric Duchaine avait tout de même ses limites. Un jour, pour obtenir une modification au zonage, le chef de cabinet du maire, Daniel Bélec, lui aurait demandé un
pot-de-vin de 50 000 $ comptants « pour régler ce problème ».
Duchaine dit ne pas avoir obtempéré cette fois.
60 000 $ pour faire « débloquer » un projet
60 000 $ : c’est le pot-de-vin qu’auraient dû verser un groupe de développeurs immobiliers pour faire débloquer un projet résidentiel à Terrebonne, le « Domaine des moulins ».
L’entrepreneur Jean-Guy Ouellette a admis à la police qu’il aurait lui-même fourni 30 000 $ de cette somme, vers l’automne 2009. Il a dit être passé par un intermédiaire,
Réal Dubord, qui avait « des relations très amicales » à l’hôtel de ville. L’UPAC ne précise pas qui, ultimement, aurait empoché l’argent.
À partir de ce moment, le projet est tombé en mode « fast track », a expliqué M. Ouellette à la police.
Plan gratuit pour la maison du chef de cabinet
L’entrepreneur en construction résidentielle François Barnabé a affirmé à l’UPAC que le maire Jean-Marc Robitaille lui avait demandé de fournir gratuitement un plan de maison et des
correctifs à « un bon ami qui veut s’autoconstruire ».
En octobre 2000, Daniel Bélec et sa conjointe auraient donc choisi sans frais un plan pour leur future maison. Un dessinateur aurait même effectué quelques modifications à ce plan.
Les services rendus gratuitement à M. Bélec par l’entrepreneur s’élevaient à environ 1500 $, selon ce qu’a noté la police.
On savait déjà que l’ex-maire Robitaille, de son côté, était soupçonné par l’UPAC d’avoir bénéficié indûment de travaux valant plusieurs dizaines de milliers de dollars à son chalet de
Saint-Jean-de-Matha, gracieuseté de l’entrepreneur Normand Trudel.
Rappelons que les allégations contenues dans les documents policiers n’ont pas été testées devant les
tribunaux.
Choix de photos, fusion de textes, mise en page : JosPublic
Mise à jour 18 mars 2018 |
Notes & Références encyclopédiques: |
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